Installation du Comité consultatif du secteur financier


Intervention de M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie

Installation du Comité consultatif du secteur financier – Bercy – Jeudi 7 octobre 2004

Monsieur le Président, Messieurs les Parlementaires, Mesdames et messieurs les membres du CCSF,

Je suis heureux de vous réunir pour la première séance du comité consultatif du secteur financier. Il est l’héritier des comités consultatifs spécialisés dans les secteurs bancaires et assurantiel et met ainsi fin à un cloisonnement qui n’avait plus de réalité : il y a aujourd’hui de nombreuses problématiques transversales et le partage d’expérience est particulièrement utile.

La qualité des relations des banques, des assurances et des entreprises d’investissement avec leurs clients est essentielle pour ces derniers bien sûr, mais aussi pour les entreprises et leur bon développement dans un cadre concurrentiel. J’attends de tous les membres du comité consultatif des services financiers qu’ils jouent un rôle actif, responsable et constructif pour répondre aux besoins des Français dans le domaine des services financiers. Il ne s’agit pas ici de lancer des « injonctions » ou des invectives, mais de travailler utilement. C’est la raison pour laquelle j’ai choisi de réunir toutes les parties prenantes. Je salue tout particulièrement la présence des représentants du Parlement, qui se mobilise fréquemment sur ces questions.

Votre programme de travail va être chargé :

   * dans le domaine bancaire, de nombreux sujets déjà engagés au comité consultatif méritent d’être poursuivis et nécessitent pour certains, j’y reviendrai, d’aller plus loin et plus vite ;    * dans le domaine des assurances, il faudra évaluer la réalisation des engagements de baisse des tarifs auto pris par les assureurs. Je souhaite également que le comité évalue la commercialisation des PERP. La liste n’est pas fermée et je demande au président Constans de discuter de votre programme de travail et d’examiner les attentes de chacun avant de m’en rendre compte.

J’en viens au principal sujet du jour, la question des relations entre les banques et leurs clients. Il y a, dans ce domaine, un certain nombre d’incompréhensions et de mécontentements qui se sont fait jour, et plus particulièrement sur les pratiques tarifaires. Nous avons, de plus, des « rendez-vous » incontournables : la fin de la suspension de la loi MURCEF sur les conventions de compte et la levée de l’interdiction de la rémunération des dépôts. Ces rendez-vous, je souhaite que nous les abordions collectivement de manière responsable.

Aujourd’hui, je souhaite avec vous :

   * poser un certain nombre de questions « ouvertes » sur les pratiques tarifaires, sans esprit de stigmatisation ;    * vous écouter sur ces sujets, afin de bénéficier de votre expérience    * vous proposer une méthode et un calendrier pour un plan d’action concret et rapide.

La relation entre le client et sa banque occupe une place centrale dans la vie des citoyens et des entreprises. Elle est un vecteur essentiel d’insertion dans la société moderne, puisqu’elle forme très souvent la contrepartie des opérations « immatérielles » qui utilisent les nouvelles technologies.

La relation doit être équilibrée. Il faut se garder de tout angélisme : l’économie française, les Français, ont besoin de banques solides et rentables. La liberté du commerce est la meilleure garantie de performance du service rendu.

Ce que réclament les Français, c’est de bénéficier d’une saine concurrence. La situation en France semble être, de ce point de vue, a priori plutôt meilleure que chez plusieurs de nos voisins qui connaissent des concentrations bancaires sans équivalent en France. Et l’avis de la Cour de Justice européenne sur la rémunération des comptes de dépôt va ouvrir un nouveau champ de concurrence, ce qui est plutôt une bonne chose si la mise en œuvre en est bien maîtrisée. Les pouvoirs publics prennent acte de la levée de l’interdiction de rémunération et la traduiront dans les textes. Je serai attentif à deux choses. D’une part, la rémunération ne doit pas s’effectuer au détriment de la stabilité financière, comme certains autres pays ont pu l’expérimenter au moment de la levée de l’interdiction. La Commission bancaire devra exercer sa vigilance sur ces questions. D’autre part, elle ne doit pas servir d’alibi injustifié à des hausses tarifaires alors que, nous le verrons tout à l’heure, il y a déjà un débat.

Mais pour que la concurrence soit la plus intense possible, un haut niveau de transparence est indispensable car elle permet au client de choisir sa banque, ou de la quitter, en toute connaissance de cause.

Je voudrais vous faire réagir sur deux grandes questions qui me semblent être au centre de notre débat d’aujourd’hui :

   * l’accès de tous aux services bancaires    * la transparence des informations et la mobilité des clients

Chacun peut-il, aujourd’hui, avoir accès à un compte bancaire, y compris les plus démunis ? Un « grand journal du soir » avait titré, il y a quelques mois, sur « 5 millions d’exclus bancaire ». Ce chiffre me paraît excessif, et sa méthodologie est contestable. Il existe, en France, un droit au compte, qui permet aux personnes qui se voient refuser l’ouverture d’un compte de l’obtenir après intervention auprès de la banque de France. Mais il semble mal connu, puisque seules 12 000 personnes en bénéficient par an. C’est très peu, et certainement pas à la hauteur des enjeux, alors même que l’ensemble des interlocuteurs jugent très favorablement le contenu du service de base bancaire qui y est associé.

Et puis, si l’on a un compte bancaire, encore faut-il qu’il dispose des fonctionnalités indispensables. Est-il normal que certaines personnes se voient facturer le retrait d’argent liquide au guichet, alors qu’on ne leur a pas donné de carte de retrait, en raison, précisément, de leur situation financière ?

Enfin, la tarification semble parfois sévère pour ceux qui n’ont qu’un faible pouvoir de négociation. Est-il normal que les incidents de paiement provoquent des cascades de frais qui se révèlent un fardeau très lourd et d’ailleurs irrécouvrable ? Est-il normal de facturer au client la déclaration au fichier des incidents de paiement, qui n’est déjà pas une bonne nouvelle ?

Ces pratiques ne sont pas forcément très répandues, mais elles choquent nos concitoyens et elles provoquent des interrogations sur la légitimité des tarifs. Ces interrogations sont renforcées par un manque de lisibilité pour beaucoup de nos concitoyens, ce qui m’amène à mon deuxième point : la transparence, au service de la concurrence.

Pour commencer, on fait face à une situation bien connue : les consommateurs ont le « sentiment » que les tarifs bancaires augmentent plus vite que l’inflation, notamment avec la multiplication de facturation de prestations auparavant « gratuites » ou tout du moins qui apparaissaient comme telles. Et l’indice sectoriel des services financiers de l’INSEE dit exactement le contraire : pour une base 100 début 1996, l’inflation est à 117 en 2003 et l’indice des services financiers seulement à 110. Je crois que ce n’est pas qu’une question de perception. J’ai demandé à Jean-Michel Charpin, le directeur de l’INSEE, de participer à cette réunion pour lui demander son avis sur cette question.

Il n’est pas choquant en soi que les services rendus soient facturés, mais les consommateurs ne doivent pas avoir le sentiment d’être piégés. La tarification est-elle aujourd’hui suffisamment claire pour permettre les comparaisons ? Comment faire disparaître le sentiment d’un « maquis » tarifaire qu’ont nos concitoyens ?

Enfin, la mobilité des clients est-elle suffisamment facile pour que le jeu de la concurrence soit effectif ? Il ne s’agit pas d’encourager les clients à changer de banque comme de chemise : la relation bancaire bénéficie d’une certaine durée. Mais certaines entraves administratives ou financières à la clôture de compte sont des « fils à la patte ».

Cette question de la transparence rejoint celle, plus générale, de la contractualisation. Je n’ignore pas, et si je l’ignorais vous vous chargeriez de me le rappeler, que la suspension des conventions de comptes a créé de grandes frustrations chez les associations de consommateurs et tout particulièrement celles qui coopéraient activement avec les pouvoirs publics pour trouver une solution. Je souhaite que la discussion équilibrée qui sera poursuivie dans la foulée de cette réunion permette de retrouver un modus vivendi à la fois ambitieux et réaliste.

Je voudrais maintenant passer la parole aux représentants des associations de consommateurs, puis à la fédération bancaire française, afin qu’ils me donnent leur sentiment sur ces différents points.

Conclusions du Ministre d’État à l’issue des débats

   * Je vous remercie de ces échanges constructifs qui m'ont permis d'entendre l'ensemble des représentants des clientèles et des établissements bancaires.    * Il y a des sujets de long terme, de longue haleine, et le CCSF constitue un cadre approprié pour les aborder.    * Pour ma part, je souhaite faire avancer concrètement un certain nombre de points dans un délai plus court, en profitant de la dynamique créée aujourd’hui.    * Je vous propose la méthode de travail suivante :
         o Je demande à l’INSEE de me proposer un indice plus représentatif des frais bancaires          o Je demande au président Constans de me faire dans un délai d’un moins des propositions opérationnelles après avoir consulté les différentes parties prenantes du CCSF. Les objectifs en seraient les suivants :
   1/ Faire aboutir de manière accélérée les travaux engagés au CNCT sur la transparence des tarifs et la lisibilité des relevés bancaires ;
   2/ Rendre plus efficace le droit au compte ;
   3/ Identifier les pratiques tarifaires « contestables » auxquelles il serait souhaitable que la profession s’engage à renoncer, ou les engagements qu’elle pourrait prendre, pour en particulier :
       * garantir à tous au moins un moyen gratuit, ou suffisamment bon marché, pour retirer du liquide de son compte        * réduire les frais des procédures de traitement des incidents de paiement        * faciliter la mobilité des titulaires de comptes de dépôts (frais de clôture)
   4/ Encourager la diffusion des conventions de compte dans un cadre législatif réaliste