Convention UMP pour un projet populaire
Culture : l’heure du nouveau souffle
Mesdames et Messieurs, chers amis,
Permettez-moi d’abord de remercier tous ceux, fort nombreux, qui ont participé à nos travaux d’aujourd’hui, de remercier Françoise de Panafieu qui a organisé cette Convention, ainsi que Renaud Donnedieu de Vabres qui l’a marquée de sa passion et son engagement.
J’ai voulu que nous organisions cette Convention sur la culture comme nous avions organisé les précédentes, avec des experts, des élus, des professionnels, notamment des auteurs, des artistes, des interprètes. Ce n’est pas parce qu’il s’agit de culture qu’il faut en parler moins concrètement et surtout avec moins de débats. Il y a beaucoup trop de sous-entendus en matière culturelle et ce sont ces sous-entendus qui créent une pensée unique.
Trop souvent, dans la vie politique, on prépare d’un côté un projet économique et social, de l’autre un projet culturel que l’on habille généralement de grandes professions de foi : la France patrie des arts, la langue moteur du rayonnement… Mais celles-ci sont tellement déconnectées de la réalité, qu’au bout du compte il ne se passe jamais rien, ou si peu.
L’UMP prépare un projet politique pour la France, fondé sur une vision pour notre pays. Ce projet a une ambition culturelle ; mieux, il est fondamentalement culturel. Redresser notre économie, assurer le plein emploi, donner une place à chacun, rendre la réussite accessible à tous, moderniser et ouvrir notre démocratie, notre projet n’a en réalité qu’un seul objectif : que la France soit de nouveau une terre qui brille, qui brille dans tous les domaines, et notamment dans la science, les arts, les lettres et la culture.
Je crois dans le rôle de l’Etat et des collectivités territoriales – ô combien plus engagées d’ailleurs – pour soutenir la culture. Mais si la France a été, de longs siècles durant, l’un des foyers les plus prospères de la culture, ce n’est pas parce qu’elle a eu Louis XIV ou Malraux, c’est d’abord parce qu’elle a eu des artistes, et les plus grands.
Paris n’est plus la capitale internationale de l’art comme elle l’était du temps de Chagall, Picasso, Kandinsky ou Miró. L’année dernière, 38% du chiffre d’affaires du marché de l’art a été réalisé à Londres contre 5,7% à Paris. Pourtant, les talents existent. Comment faire pour qu’ils puissent vivre en France de leur métier, qu’ils deviennent des artistes et des auteurs à la fois aimés d’un public français et connus dans le monde entier ? Voilà la première question qui est posée à notre politique culturelle.
Cessons de croire qu’en matière culturelle, les déclarations d’intention suffisent ; qu’à elles seules, elles permettent de répondre aux attentes des artistes, du milieu culturel et bien sûr du public. Ce n’est pas parce qu’il s’agit de culture que l’on doit se contenter de mots. Notre Convention l’a bien montré : c’est de politique et d’action que nous avons besoin.
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Je crois d’abord qu’il faut donner au ministère de la Culture de plus grandes capacités de réflexion et d’impulsion stratégiques. Sous l’effet des nouvelles technologies et de la mondialisation, la culture est un univers en pleine mutation. Il faut se donner les moyens de mieux anticiper ces transformations.
Le budget du ministère doit être protégé. Les principaux problèmes de nos finances publiques sont évidemment ailleurs que sur cette part du budget de l’Etat égale à 1%. Je pense même que nous devons augmenter le budget du ministère de la culture puisque notre projet est de privilégier les dépenses d’avenir.
En même temps, il faut cesser de mépriser les financements privés. La loi de 2003 sur le mécénat a mis notre pays au niveau des autres grandes nations s’agissant des facilités juridiques et fiscales. Ce sont maintenant les mentalités qui doivent changer. La France doit être un pays qui valorise ses mécènes, ses collectionneurs, ses fondations. Fixons des obligations de résultat aux établissements culturels en matière de mécénat. Et commençons bien sûr par avoir une politique économique qui ne fasse pas partir à l’étranger ceux qui ont de l’argent à investir, mais les fasse revenir.
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La démocratisation de l’accès à la culture est l’échec incontesté de nos politiques culturelles depuis 50 ans. Il faut engager un vrai programme d’éducation culturelle et artistique à l’école. Ce programme doit reposer sur quatre priorités :
- premièrement, le renforcement des matières fondamentales et les choix des pédagogies efficaces, parce que les bases de la culture se trouvent dans la langue française, la lecture des grands auteurs, la connaissance chronologique de l’histoire, et donc celle de l’histoire des arts ;
- deuxièmement, une plus grande exigence dans les cours d’initiation aux pratiques artistiques et le développement des pratiques collectives qui créent de la cohésion entre les élèves et donnent du plaisir ;
- troisièmement, la mise en relation systématique des établissements scolaires avec les conservatoires et les écoles des beaux-arts, pour que chaque famille soit informée des opportunités existantes ;
- quatrièmement, l’ouverture des établissements supérieurs d’enseignement, en particulier les grandes écoles, à des étudiants ayant un parcours artistique d’exception, afin de diversifier le profil de nos élites.
L’école et les médias sont les deux leviers principaux de la démocratisation culturelle et de la diffusion de notre culture dans le monde. Pouvons-nous continuer à avoir des structures ministérielles aussi éclatées ? Je ne le crois pas. Il faut regrouper la direction des médias, le ministère de la culture et l’Education nationale sous l’égide d’un seul ministère. Grâce à cela, la culture bénéficiera d’un budget renforcé, de capacités stratégiques supérieures et son poids politique sera incontournable.
Il n’y a jamais eu autant de chaînes publiques et jamais aussi peu d’émissions culturelles à la télévision. Arte fait office d’alibi de politique culturelle audiovisuelle. Devant cette évidence, certains disent qu’il faut privatiser France 2, puisque France 2 ne fait pas tellement différemment d’une chaîne privée. Eh bien, pour ma part, je pense que le sujet n’est pas ou n’est plus celui-là. Le sujet, c’est de renforcer la programmation culturelle sur les chaînes généralistes, aux heures de grande écoute, avec des programmes de qualité, ce que nous savons faire. C’est d’autant plus juste que certains de nos concitoyens n’ont pas accès aux autres chaînes du service public de l’audiovisuel pour des raisons géographiques. Je veux saluer ici l’action entreprise par l’actuel Président de France Télévisions pour mieux coordonner l’action des différentes chaînes, ce qui est une première étape.
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Démocratiser, c’est aussi rapprocher le public de la création contemporaine.
Les aides à la création sont indispensables pour déceler de nouveaux talents, assurer le renouvellement des styles, permettre l’expression et la diffusion des œuvres difficiles. Académisme officiel, « Académies invisibles », aucun système d’attribution des aides n’est idéal. Admettons toutefois que le modernisme et la nouveauté ne sont pas les seuls critères de l’esthétique, que l’on est allé trop loin dans certains domaines, qu’une partie du public a été perdu au passage et que les artistes eux-mêmes ont parfois du mal à se reconnaître dans la politique culturelle de leur propre pays.
Le modèle des aides sélectives au cinéma, qui sont attribuées par des commissions indépendantes composées de professionnels et de représentants du public, a fait ses preuves. Il faut confier l’attribution des aides à la création et des budgets du spectacle vivant à des agences indépendantes composées en priorité d’artistes, de professionnels et de représentants du public. En contrepartie, le gouvernement doit fixer des objectifs d’intérêt général à ces aides, en particulier pour celles qui sont renouvelables : par exemple, des objectifs en termes de diversité, de publics visés, et de succès auprès du public. Le succès ne peut pas être l’unique critère d’attribution des aides, mais le fait de faire salle vide n’a pas non plus vocation à être la seule référence.
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Ministère renforcé, moyens consolidés, public plus choyé, la politique culturelle doit permettre aux artistes de vivre de leur métier.
Les dépenses de fonctionnement du ministère de la Culture sont passées de 5 à 25% du budget en 40 ans. C’est excessif. Il faut réorienter les crédits sur ce qui fait vivre les artistes : les aides à la création, les politiques d’acquisition, notamment dans les bibliothèques, et le soutien de la demande, par exemple en développant des formules comme les « chèques culture ».
Force est de constater que le protocole de 2003 sur les artistes et techniciens intermittents n’a pas permis de retrouver l’équilibre financier du régime. Il faut construire un dispositif pérenne, qui cible les artistes et les techniciens, réprime les abus, et assure à nos artistes un niveau de vie digne, tenant compte du caractère nécessairement discontinu de leur activité. Je fais confiance aux partenaires sociaux pour envoyer dès le 14 février des signes en ce sens. Si la négociation échouait, mais seulement dans ce cas, et nous ne le souhaitons pas, le Parlement devrait prendre ses responsabilités.
Enfin, que la culture soit chère pour certains de nos concitoyens, en particulier les jeunes, n’est pas une raison pour sacrifier la rémunération des auteurs, des interprètes et des autres acteurs de la chaîne de production et de diffusion. Leur mission est de créer et d’avoir du talent, pas de régler les problèmes du pouvoir d’achat. Le téléchargement illégal par voie de peer-to-peer n’est pas une économie de l’échange ou du partage, car en l’espèce celui qui « donne » ne se dépossède en réalité de rien. La licence globale va à l’encontre de la diversité culturelle et est économiquement inconciliable avec la création et avec le développement d’une offre légale riche et diversifiée. La table ronde que j’ai réunie la semaine dernière à l’UMP a permis de dégager sept principes faisant consensus et pouvant guider les travaux du législateur.
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La francophonie, et plus globalement la présence de la langue et de la culture françaises à l’étranger, sont en recul.
C’est d’abord une question de moyens consacrés à l’enseignement du français dans le monde et il faut en effet engager les politiques nécessaires pour renforcer l’apprentissage de notre langue.
Une priorité est également de réformer notre politique d’accueil des étudiants étrangers. C’est en formant en France l’élite des pays étrangers que nous assurons le mieux le rayonnement de notre langue et de notre culture.
Première cause de notre affaiblissement : l’état de nos universités, de nos campus, de nos bibliothèques universitaires. La réforme de l’enseignement supérieur et l’augmentation des moyens des universités sont indispensables si nous voulons de nouveau attirer les meilleurs étudiants étrangers.
Deuxième impératif : mettre en place une politique proactive de recrutement des étudiants étrangers, aussi bien dans les pays francophones que dans les pays émergents comme l’Inde et la Chine. Le projet de loi sur l’immigration et l’intégration que je présenterai prochainement au conseil des ministres comportera des dispositions en ce sens.
Dans la même perspective, il faut refaire de Paris et de la France un foyer de la création artistique et littéraire. Créer des ateliers d’artistes pour les jeunes. Veiller à accueillir, dans le cadre de notre nouvelle politique, les futures élites intellectuelles des pays étrangers : conservateurs de musées, directeurs d’établissements artistiques, bibliothécaires, artistes, écrivains…
La défense du français ne doit pas nous interdire de modifier en profondeur nos méthodes d’enseignement des langues étrangères. Il n’y a aucune contradiction entre les deux, bien au contraire. Il faut veiller à l’utilisation du français dans les enceintes internationales. Mais c’est aussi en étendant notre influence politique et économique dans le monde que nous lutterons contre l’hégémonie linguistique anglo-saxonne. Cela veut dire un effort intense dans l’apprentissage des langues.
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La France et, sous son influence, l’Union européenne, se sont dotés d’instruments juridiques performants pour préserver les biens culturels de la seule logique du marché. L’adoption récente par l’Assemblée plénière de l’UNESCO de la Convention sur la diversité culturelle est la consécration de cet engagement
C’est toutefois se tromper que de croire que ces dispositifs seront suffisants pour parer les effets culturels de la suppression des frontières physiques en matière de communication, du développement des nouvelles technologies et des mouvements de concentration industrielle créés par la mondialisation. Il faut passer d’une politique défensive à une politique offensive en matière de diversité culturelle et de rayonnement de la culture française à l’étranger.
Cette nouvelle stratégie concerne d’abord l’audiovisuel que nous devons utiliser beaucoup plus vigoureusement pour diffuser notre culture dans le monde. Le budget de l’audiovisuel extérieur est d’environ 500 millions d’euros, presque autant que celui de CNN et plus que celui de BBC World, pour une visibilité sans commune mesure. Il faut réduire le nombre d’acteurs, rationaliser les structures, mettre en place un pilotage resserré permettant d’élargir notre zone d’influence plutôt que nous faire concurrence sur des zones réduites.
Dans le domaine du cinéma, une partie des crédits issus du compte de soutien devrait être distribuée en fonction des recettes à l’exportation des films. Cette stratégie plus offensive concerne également Internet avec deux priorités :
- ne pas perdre la main en matière technologique, pour que notre dépendance technologique ne creuse pas le sillon de notre dépendance culturelle. C’est l’enjeu de l’interopérabilité entre les supports, les matériels et les environnements informatiques, en particulier le logiciel libre dans lequel notre pays excelle. Il faut engager au niveau communautaire une politique industrielle permettant de développer les outils nécessaires à notre indépendance technologique en matière informatique et veiller à la correcte application du droit de la concurrence en la matière ;
- par ailleurs, il faut saisir la chance d’Internet pour diffuser massivement notre culture à l’étranger. 5% des pages publiées sur Internet le sont en français, 45% en anglais. Il faut agir vite. Commençons par créer un site ou plusieurs sites publics mettant gratuitement à disposition de tous les internautes l’ensemble du patrimoine culturel français tombé dans le domaine public ou financé par l’argent public, qu’il s’agisse du patrimoine littéraire, visuel ou audiovisuel.
Quant au réseau des centres culturels français à l’étranger, soutenu par celui de l’Alliance française, il est situé pour 45% des centres en Europe, 30% en Afrique, le reste, 25%, en Asie et en Amérique. La réalité, c’est que l’organisation de notre présence culturelle à l’étranger n’a pas changé depuis 1960. Il faut réduire les effectifs de nos ambassades dans l’Union européenne au profit d’une plus forte présence culturelle, avoir une réflexion stratégique sur le déploiement géographique du réseau, mieux répartir nos dépenses avec moins de coûts de structures, plus d’enseignement du français, plus d’artistes français diffusés à l’étranger, plus de coopération avec de grandes institutions culturelles internationales.
De même, notre réseau d’Ecoles françaises à l’étranger n’a pas vocation, lui non plus, à rester figé dans le passé. Les pensionnaires de la Villa Médicis doivent tirer une réelle plus-value de leur passage. Il faudrait permettre à de jeunes artistes français d’aller étudier et créer dans des conditions comparables à New York et en Asie. Et je propose de créer une école française d’archéologie en Afrique noire, comme nous avons su autrefois le faire avec les écoles du Caire, d’Athènes et d’Orient. L’Afrique noire est le berceau de l’humanité. Elle ne doit pas être ignorée ; et les Français sont légitimes à s’investir sur ce sujet après les découvertes d’Yves Coppens (Lucy) et Michel Brunet (Abel et Toumaï).
Enfin, il faut désigner un pilote de la politique culturelle extérieure de la France, actuellement dispersée entre une multitude d’opérateurs différents, et fixer des objectifs à ceux qui sont chargés de l’animer.
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Mes chers amis, il faudrait que je puisse dire bien des choses encore. Certains d’entre vous vont m’en vouloir de ne pas avoir développer le rôle des collectivités territoriales, l’importance de la danse, l’avenir de la musique classique, du théâtre, du cirque, le sort, bien peu enviable, des archives, du patrimoine, des monuments historiques… Nous avons encore 15 mois pour cela… et j’espère que l’UMP aura ensuite au moins cinq ans pour mettre en pratique !
En vérité, toutes ces facettes de la culture, qui sont au cœur de votre vie, je n’ai fait qu’en parler tout au long de ce discours. Ce que notre culture demande, c’est que l’on arrête de la payer de mots. Mettre en place une éducation artistique à l’école, restructurer et dynamiser le réseau des centres culturels à l’étranger, faire de la France un pays d’accueil pour les élites universitaires étrangères, rétablir Paris comme capitale des arts, clarifier le mode d’attribution des aides, réorienter la politique culturelle vers le public et vers les artistes, qui peut dire que c’est politiquement impossible ?
Le projet de l’UMP, c’est le refus de la résignation. Or l’essence même de la culture n’est-elle pas justement de ne jamais se résigner ?