Dans son département des Hauts-de-Seine, le président de l’UMP teste déjà la discrimination positive en matière d’éducation. Le conseil général finance l’hébergement et le soutien scolaire de huit garçons de 13 ans qui ne pouvaient étudier efficacement dans leur famille.
Pas un bruit. L’ambiance dans la petite maison est étrangement calme, à l’image de ce quartier d’Asnières. A l’intérieur du pavillon fraîchement repeint, huit garçons de 13 ans apprennent à vivre ensemble, par chambre de deux. Ils se connaissent seulement depuis quatre jours mais déjà, les tâches ménagères sont réparties. Jordan mettra le couvert lundi, Angelo se chargera de la vaisselle. Jusqu’en juin, ils vont partager ainsi leur quotidien. Ces élèves de 5ème ont choisi de devenir internes. » S’ils ne sont pas volontaires et motivés, les chances de réussite sont faibles » précise Etienne Recoing, le directeur de ce premier » internat de la réussite « , établissement gratuit pour les familles.
Derrière le petit pavillon de quatre chambres, le collège François Truffaut. Un établissement plutôt privilégié mais où 15% des élèves sont issus de familles défavorisées. » Les Hauts-de-Seine, ce n’est pas seulement Neuilly. Avec Asnières, Gennevilliers ou Clichy, on a une très forte hétérogénéité de population scolaire » explique Isabelle Balkany, en charge de l’enseignement au sein du conseil général. » Il y a des enfants qui suivent bien en classe mais qui vivent dans des familles où il n’est pas possible de bien travailler le soir, notamment des familles monoparentales. Cet internat est fait pour eux « .
» Responsabilité de l’élève et soutien «
En effet, ici, pas de jeunes en difficultés ou en rupture avec le système. Seulement des élèves au potentiel scolaire moyen ou bon mais qui risquent de » décrocher » en raison de leur contexte familial. Un plombier veuf souvent en déplacement, une mère divorcée avec quatre enfants à charge, un conflit parental douloureux, autant de situations peu propices au suivi scolaire.
Comment sélectionner de tels élèves ? « Au départ, les principaux des collèges étaient dubitatifs, explique Etienne Recoing, mais grâce aux assistantes sociales et aux conseillers d’orientation, nous n’avons eu aucun mal à trouver des volontaires. Cette structure répond à un réel besoin social « . Depuis l’ouverture de l’internat début septembre, les coups de fil de familles se succèdent mais la maison ne possède que huit places. « Je n’ai pas voulu perdre de temps et j’ai trouvé un petit bâtiment dès cette rentrée, affirme Isabelle Balkany. Mais si l’expérience est concluante, nous ouvrirons l’an prochain deux structures de 24 et 32 élèves. L’important, c’est qu’elles soient proches des écoles pour éviter les trajets « .
Parmi les avantages, point de trajet entre l’internat et le collège et des journées bien réglées pour les pensionnaires . Après les cours, un encadrant supervise leurs devoirs et les aide si nécessaire. » Moi, je me débrouille seul en maths et en anglais, mais en français, j’aime bien qu’on m’aide « , reconnaît Florian, visiblement heureux de sa nouvelle maison. » Toute la philosophie de l’internat est là, explique son directeur, responsabilité de l’élève et soutien sur la base d’un contrat de confiance passé lors de l’entretien de recrutement « . Et Etienne Recoing de dérouler posément ses méthodes pédagogiques. Deux maîtres mots : autonomie des établissements et personnalisation de l’éducation. Ainsi a-t-il supprimé l’an dernier les redoublements au collège François Truffaut. » Cela ne sert à rien, sauf peut-être en troisième. Beaucoup plus efficaces sont les travaux en petit groupe. Ainsi, j’ai décloisonné par classes de huit certaines matières pour les élèves en difficulté « . Et selon lui, les résultats sont là, à partir d’objectifs fixés en accord avec l’académie. Une académie de Versailles qui accepte de laisser les établissements mettre en œuvre des solutions nouvelles. Au conseil général des Hauts-de-Seine, on s’en réjouit. » On a toujours refusé les dispositifs de masse, confirme Isabelle Balkany ; l’efficacité passe par des dispositifs adaptés à chaque élève « .
L’ « internat de la réussite » privilégie-t-il de bons élèves, au détriment d’enfants qui en auraient plus besoin ? » Absolument pas, explique-t-elle ; nous faisons déjà beaucoup pour les enfants en situation d’échec avec notamment du soutien personnalisé. Mais il est important de ne pas oublier ceux qui travaillent normalement « .
Autonomie des professeurs
Mais le directeur de l’internat le reconnaît : » tout le monde n’a pas la chance de naître dans les Hauts-de-Seine « . Un département très riche dont le budget équivaut à celui de la Grèce, notamment grâce aux recettes fiscales des entreprises de la Défense. Une politique éducative aussi ambitieuse coûte cher. Mais l’argent n’est pas le seul facteur de succès. » La clé de la réussite scolaire, c’est l’autonomie des professeurs qui savent mieux que quiconque s’adapter aux difficultés de chacun. » Faire plus pour certains, voilà qui rappelle la discrimination positive vantée par Nicolas Sarkozy. » C’est vrai, c’est de la volonté républicaine « , Etienne Recoing le dit avec ses mots. Et au détour d’une phrase, son engagement éducatif s’enracine dans l’intime. « J’ai connu également l’internat, et pour les mêmes raisons que ces enfants « .