La défense de l’environnement exige de nous une rupture fondamentale


L’écologie est aujourd’hui un défi majeur du dé veloppement durable. L’appel de Nicolas Hulot à signer le Pacte écolo gique ­replace cet enjeu au coeur du débat. Oui, notre avenir est ­menacé par le réchauffement climatique, la disparition de nombre d’espèces et l’impact sur la santé des pollutions diverses.

Aujourd’hui, les discours rivalisent d’excellence écologique et d’exemplarité. Les Français n’ont pourtant pas à rougir. Les émissions de gaz à effet de serre qui sont à l’origine du réchauffement climatique sont inférieures de 21 points à la moyenne mondiale, en particulier grâce à notre parc nucléaire. Depuis quatre ans, la production d’électricité d’origine éolienne a été multipliée par 14 et la qualité de l’air s’est améliorée de 12 % dans les villes. Dans les Hauts-de-Seine, nous introduisons les produits bio dans les cantines. Le ministère de l’Intérieur met en place une stratégie ministérielle du développement durable. J’ai demandé que les véhicules de police soient approvisionnés en biocarburants et que l’on prenne les dispositions pour que les documents électoraux soient imprimés sur du papier éco-responsable. J’ai obtenu que les prochains contrats de projet entre l’État et les Régions soient soumis au principe de neutralité des émissions de gaz à effet de serre.

Ces quelques exemples montrent qu’au-delà des discours de la gauche, la droite agit et que la situation s’est améliorée. Faut-il rappeler qu’en 2002, la France était pointée du doigt par l’Union européenne car elle n’avait pas trans posé 32 directives sur l’environnement ? Nous n’avons plus un seul texte en retard. Faut-il rappeler que la directive sur les OGM tant critiquée par le Parti socialiste a été votée en 2001 ? Faut-il encore rappeler que les actuels candidats socialistes à la présidentielle n’ont pas voté la charte de l’environnement qui inscrit ce droit dans la Constitution ? Pour autant, nous ne sommes pas encore en capacité de relever les défis majeurs qui nous attendent, notamment la lutte contre le réchauffement clima tique et la préservation de la biodiversité. La solution n’est pas de condamner nos enfants à vivre dans la pénurie. La solution est d’innover pour que le progrès consomme moins, notamment moins de pétrole.

Ce défi n’est pas impossible. Depuis cinq ans, la consommation d’énergie est stable alors que la richesse de la France n’a cessé de s’accroître. Une politique encore plus ambitieuse exige en premier lieu de mettre le développement durable au sommet de l’État. Nicolas Hulot préconise de le confier à un vice-premier ministre. Il peut également relever d’un grand ministère qui rassemblerait les plus hautes compétences de l’État – les agents des ministères de l’Éco logie, de l’Équipement et de l’Énergie. Ce grand ministère n’aurait pas qu’une fonction de conception et de vigilance. Il aurait des moyens opérationnels. Une politique encore plus ambitieuse exige en deuxième lieu de réformer notre fiscalité pour favoriser la vertu et pénaliser le laxisme. Nicolas Hulot a raison de considérer que la fiscalité est sans doute le meilleur outil pour influencer les comportements quotidiens. Je ne suis pas favorable à l’augmentation des prélèvements obligatoires qui pèserait sur le pouvoir d’achat de nos concitoyens déjà trop faible. Il faut créer pour les entreprises comme les particuliers un crédit d’impôt écologique qui leur permette de rentabiliser leur investissement dans un délai raisonnable d’environ cinq ans.

Pour autant, il est aberrant que le travail soit plus taxé que la pollution. Il nous faut d’abord revoir toutes les taxes et subventions afin de corriger celles qui incitent à polluer. Il nous faut ensuite réunir une commission de la fiscalité ­environnementale avec les entreprises, les experts et les asso ciations pour proposer plusieurs scénarios chiffrés de fiscalité écologique. Nous pouvons au minimum, sur cinq ans, doubler la fiscalité écologique. Et je souhaite que son produit soit affecté tant à la réduction des charges pesant sur le travail qu’à l’investissement écologique. Contrairement à la politique menée et encore proposée par la gauche, la fiscalité écologique n’a pas vocation à combler le déficit budgétaire accru par une politique laxiste.

Une politique plus ambitieuse exige en troisième lieu un nouveau débat public. Nicolas Hulot propose que les orientations du développement durable soient soumises au débat public. Imaginer une nouvelle manière de faire la politique est urgent. C’est le fondement même d’un développement durable car il faut beaucoup plus que le gadget politique des « jurys populaires » pour que la population adhère à un projet. Il faut consulter les habitants sur leurs priorités, s’engager sur un programme chiffré, rendre des comptes et oser une évaluation radicalement nouvelle.

Une politique plus ambitieuse exige en quatrième lieu un regard nouveau sur l’agriculture et plus généralement notre consommation. Nous devons aux agriculteurs français l’autonomie alimentaire et la vie de nos campagnes. Il faut être conscient que les agriculteurs sont eux-mêmes victimes d’un système qui leur préconisait d’utiliser des produits polluants. L’avenir est à une agriculture qui réponde au souhait de nos concitoyens de consommer des produits sains. Il faut développer l’agriculture raisonnée et l’agriculture biologique. Il est insensé que nous soyons obligés d’importer 70 % des produits bio. Naturellement, la France ne pourra relever seule ce défi. Contre la concurrence de produits polluants provenant de pays qui refusent d’appliquer le protocole de Kyoto, l’Union européenne doit concevoir une taxe sur le carbone importé et détaxer ses produits exportés. Contre la prolifération de produits chimiques dont on ignore les effets sanitaires, l’Union européenne doit rapidement adopter l’obligation d’expertiser ces produits et interdire les plus dangereux pour la santé. Il faut créer un droit international de l’environnement aussi puissant que le droit international du commerce. L’environnement n’est pas une inquiétude, c’est une opportunité, un énorme potentiel d’emplois.

L’écologie ne doit plus être une politique d’opposition, mais au contraire de rassemblement. Le développement durable mérite mieux que les discours. Il exige aujourd’hui d’avoir le courage d’agir. Les bonnes idées ne sont ni de gauche ni de droite. Je souhaite maintenant rencontrer le comité de veille écologique, les princi pales ONG et Nicolas Hulot afin de débattre de ces propositions car il s’agit d’un sujet qui exige une rupture fondamentale.

Tribune parue dans Le Figaro du 8 novembre 2006