A Lyon, Sarkozy donne un exemple de la discrimination positive


A Lyon, jeudi 23 février, Nicolas Sarkozy est allé à la rencontre des élèves, issus de milieux défavorisés, de classes préparatoires intégrés aux concours de commissaires et officiers de police. Un exemple concret de ce qu’il entend développer : « la discrimination positive, moyen pour résoudre les injustices » comme il l’a expliqué dans un entretien au quotidien régional Le Progrès.

Vous étiez à Berlin récemment. La place de la France sera un des enjeux de la présidentielle ?

La politique européenne ce n’est pas la politique étrangère. Discuter avec la chancelière allemande c’est quasiment de la politique intérieure, tellement ce qui se passe en Allemagne conditionne ce qui se passe en France et inversement. L’Europe c’est notre quotidien et quand je me déplace en Europe je ne me sens pas à l’étranger.

L’OPA de Mittal sur Arcelor implique-t-il que la France et l’Europe se protègent contre les risques de la mondialisation ?

Arcelor est une des entreprises européennes les plus modernes et l’acier est un secteur stratégique. L’Europe est faite pour protéger, elle ne doit pas être naïve. Je crois à la concurrence, mais (et je ne parle pas là de l’OPA de Mittal) avec les pays qui font travailler les enfants, des prisonniers et qui ne respectent pas l’environnement, la concurrence n’est pas loyale. La préférence communautaire impose à l’Europe de se défendre et de défendre ses intérêts.

Craignez-vous que sous la pression de la rue le CPE finisse comme le CIP ?

Je ne crois pas. La société a beaucoup changé, et chacun peut constater que l’immobilisme est la pire des choses. Le CPE est une bonne solution pour essayer de résorber le chômage des jeunes, qui est un problème spécifique à la France.

Vous avez défendu la liberté de la presse dans l’affaire des caricatures de Mahomet. Que vous inspirent les manifestations qui se déroulent un peu partout ?

Une des valeurs fondamentales de notre système c’est la liberté, elle prime sur tout le reste et on ne peut pas la limiter sous prétexte qu’il y a l’Islam. Toutes les religions ont eu à subir la caricature. La réaction de nos compatriotes musulmans a été raisonnable et j’ai approuvé la démarche du Conseil Français du Culte Musulman qui a déposé plainte devant les tribunaux, car eux seuls peuvent dire si on a outrepassé la liberté.

Avec l’affaire d’Outreau, la responsabilité des juges est à nouveau sur la sellette ?

Je ne crois pas à la responsabilité collective de la justice. Pour moi il n’y a qu’une responsabilité individuelle, celle des juges qui ont eu à s’occuper de cette affaire. Je suis partisan de la mise en oeuvre d’actions de la part de l’État, à l’endroit des juges qui l’auraient conduit à être condamné. L’État se retournerait alors contre le juge pour récupérer une partie de sa dépense.

A-t-on eu raison de surmédiatiser le juge Burgaud ?

J’ai trouvé que cela avait eu un effet pédagogique souhaitable. Même si on est toujours un peu gêné de voir un homme jeté à une forme de vindicte. Mais ils s’agit de tirer les conséquences de ces dysfonctionnements.

Prendrez-vous des mesures à la suite des révélations sur d’éventuelles pratiques de la police lors des enquêtes sur le terrorisme, notamment à Lyon ?

Une enquête est en cours. Les témoins ont été interrogés. Je demande à chacun d’être prudent puisque les témoignages sont anonymes. S’il y a eu des fautes il y aura des sanctions. Mais s’il y a diffamation, il y aura des poursuites.

Contre le terrorisme, la fin peut-elle justifier les moyens ?

Non. On ne combat pas le terrorisme avec les méthodes des terroristes. On ne torture pas. La force est légale lorsqu’elle est conforme aux règles et aux valeurs de la démocratie.

Est-il vraiment nécessaire de faire apparaître l’origine ethnique des personnes délinquantes dans votre projet sur l’immigration choisie ?

Le fait qu’on ne puisse pas, en France, connaître la diversité de la population parce que l’origine ethnique est interdite, participe à la panne de notre système d’intégration. La polémique ne me surprend pas, tellement une partie de notre monde politique est frappé d’archaïsme. Il préfère les tabous à la résolution des problèmes. Or on ne peut rien faire si d’abord on ne sait pas. J’essaie de faire en sorte qu’on en parle calmement, sans être prisonnier des extrémismes : l’immigration zéro et le refus de la maîtrise de l’immigration par exemple.

Vous reprenez des thèmes chers au FN ?

Ce n’est pas parce que Le Pen parle d’un problème que les Républicains n’ont pas le droit de s’en saisir. Au contraire, c’est en refusant de le faire qu’on donne un monopole à le Pen.

La mise en place de la discrimination positive pourrait-elle aller jusqu’à imposer des quotas ?

La discrimination positive est un moyen pour résoudre les injustices. Il ne s’agit pas d’une politique de quotas à l’instar de ce qui peut se faire à l’étranger. Je vais cet après-midi à l’École Nationale Supérieure de la Police rencontrer des élèves des classes préparatoires intégrés aux concours de commissaires et officiers de police. Il s’agit d’un exemple concret de ce que j’entends développer. Ces classes sont ouvertes à des candidats rigoureusement sélectionnés. Ils possèdent tous les diplômes requis. Mais leurs conditions sociales, économiques ou familiales ne leur permettent pas de suivre une préparation privée. Or, je veux que tous les jeunes qualifiés et méritants puissent bénéficier des mêmes chances. Pour moi, c’est ça la discrimination positive.

Faut-il changer la loi sur les mineurs délinquants ?

Oui, parce qu’un mineur de 2006 n’a rien à voir avec un mineur de 1945. Mon devoir est d’apporter la tranquillité aux gens. Je serai ferme envers tous ceux qui empoisonnent leur vie quotidienne. Je sais faire la différence entre les coupables et les victimes.

Ségolène Royal apparaît comme votre principale concurrente pour la présidentielle. En quoi incarne-t-elle, selon vous une rupture ?

Ce serait une adversaire respectable. Mais quel que soit le candidat de gauche, ce sera difficile. J’observe seulement que le P.S. est devenu extrêmement conservateur. Or la France a besoin de changement, de rupture et de mouvement.

Resterez-vous au gouvernement jusqu’au bout ?

Ce n’est pas à moi d’en décider. Pour l’instant j’ai un travail à faire, qui est de m’occuper de la sécurité quotidienne des Français. Je sais que notre pays a un fort besoin d’autorité, il faut le satisfaire. Le sentiment d’impunité a conduit à des débordements qu’on a bien du mal aujourd’hui à réprimer. En tant que président de l’UMP j’ai aussi à incarner une alternative.

Qu’est-ce qui vous ferait renoncer à la présidentielle ?

Rien que j’imagine aujourd’hui !