Convention sur l’Ecologie


Mercredi 19 octobre, de 9 heures à 18 heures, se tiendra à l’Assemblée nationale la sixième convention thématique de l’UMP consacrée à l’Ecologie intitulée « Pensez loin, agir vite ». Vous pourrez suivre et participez en direct à cette convention sur www.u-m-p.org. Nicolas Sarkozy interviendra à 17h00.
Posez d’ores et déjà vos questions

Discours de Nicolas Sarkozy
Mercredi 19 octobre 2005 – Assemblée nationale

Mesdames, Messieurs, chers amis,

Pendant longtemps, notre famille politique a regardé l’environnement comme une question patrimoniale : elle l’a géré avec sérieux et application.

Nous n’avons pas à rougir de notre bilan. La droite est à l’origine de toutes les grandes lois qui structurent la politique environnementale de la France : qualité de l’air, politique de l’eau, gestion des déchets, sécurité industrielle et j’en passe. C’est la droite qui a créé le premier ministère de l’environnement, les parcs nationaux, le conservatoire du littoral.

De cette période, la droite a gardé l’image d’une bonne technicienne de l’environnement. Mais elle n’a pas pris la mesure des trois bouleversements sociologiques majeurs créés par l’ampleur et l’internationalisation des inquiétudes environnementales actuelles :

- d’abord, la défiance ou le soupçon à l’égard du progrès et du développement, en tout cas au regard de leurs emballements. Les orphelins de la pensée marxiste-léniniste se sont évidemment engouffrés dans la brèche :

- ensuite, une perception aiguë que les nuisances environnementales se jouent évidemment des frontières, qu’elles sont de plus en plus diffuses, qu’elles échappent à l’action publique. L’importance des risques ressentis fait que l’écologie est devenue une question globale, une question de société. Les politiques sectorielles et gestionnaires ne suffisent pas pour y répondre ;

- enfin, la prise de conscience que les phénomènes s’accélèrent, et que l’écologie est bien sûr un devoir pour préserver l’avenir des générations futures, mais aussi un besoin pour les générations d’aujourd’hui. Avec la multiplication des catastrophes climatiques, tempête de 1999, canicule de 2003, ouragan Katrina, l’exigence écologique n’est plus seulement perçue comme une évidence scientifique, mais comme un besoin vital.

Les Français s’inquiètent ainsi de plus en plus des conséquences, sur leur santé, des pollutions urbaines, de la qualité des sols, de certaines substances chimiques.

Ils associent fortement l’environnement à la valeur de leur patrimoine, dont ils craignent la dégradation du fait du bruit, de l’affichage sauvage, de la construction de nouvelles infrastructures.

Et c’est parce que l’écologie est une question qui touche la vie quotidienne de nos concitoyens qu’elle est devenue une question de justice.

Il y a, dans notre pays, des inégalités majeures devant l’environnement.

Elles sont professionnelles, parce que les risques d’accident et de maladie liés à l’environnement professionnel sont variables selon les métiers.

Elles reposent aussi sur des différences de richesse. Vivre à l’écart du bruit, accéder aux espaces verts, consommer des produits issus de l’agriculture biologique, tout cela a un coût et reste inaccessible à bien des Français.

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Il faut que l’écologie garantisse à chacun le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé, comme le prévoit désormais la Constitution. Il faut qu’elle donne des motifs d’espérance, là où l’avenir n’est plus perçu que comme une succession de menaces. Il faut qu’elle devienne une troisième dimension de notre pensée et de nos actions, aux côtés de l’économique et du social.

Nos réponses ne peuvent plus se contenter d’être techniques. Les plans ne peuvent pas continuer à succéder à d’autres plans, sans jamais dégager ni perspectives, ni priorités, ni calendrier : plan canicule, plan climat, plan légionellose, plan asthme, plan bruit, plan éthers de glycol….

La droite doit renouveler en profondeur sa perception de l’écologie. Elle doit faire plus et mieux que vilipender les Verts, qui à la vérité ne représentent qu’eux-mêmes. Elle doit proposer un projet d’écologie populaire à la hauteur de la place que la question écologique tient désormais dans la vie de chaque citoyen.

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La première rupture que doit impulser notre projet, c’est de cesser d’avoir peur.

La peur ne vient pas de la connaissance du danger. Elle vient du sentiment qu’ont les Français que la vérité leur est dissimulée, que les moyens d’expertise ne sont pas à la hauteur des risques et que, par voie de conséquence, les bonnes décisions ne sont pas prises.

Il n’est pas normal, dans une grande démocratie comme la nôtre, que le secret continue de régir l’action de l’administration, et, à la vérité, des élus qui la dirigent. Des erreurs comme celles de l’amiante, le mystère qui entoure le trajet exact du nuage de Tchernobyl, ne sont plus acceptables.

La transparence de l’information doit devenir la règle. C’est une nouvelle culture pour l’administration. C’est une nouvelle éthique pour la classe politique.

Le pouvoir constituant a eu raison de donner au principe de précaution une valeur constitutionnelle. Ce principe ne constitue ni un arrêt du progrès technique, ni une défiance devant la science. Il est un principe de prudence renforcée qui consiste, devant une innovation technologique envisagée, à se donner les moyens de mieux en connaître les risques, de mieux les prévenir, et de mieux analyser les avantages et les inconvénients du progrès proposé. Il n’est pas un principe d’inaction, mais au contraire un principe d’action. S’il avait été appliqué, il aurait évité bien des drames.

Je propose qu’en matière environnementale, nous nous dotions d’un comité national du même niveau, de la même indépendance, de la même autorité, que le comité national d’éthique.

Il y a un certain nombre d’incertitudes scientifiques : les téléphones portables sont-ils nocifs ? que savons-nous réellement des OGM ? Quel est le bilan écologique des biocarburants ? Il y a aussi des risques pour lesquels les Français ont le sentiment d’être mal informés et mal protégés. Hier l’amiante ; aujourd’hui certaines substances toxiques.

Il faut qu’un comité indépendant, réunissant les meilleurs spécialistes de notre pays, pouvant s’autosaisir ou être alerté par tout citoyen, puisse donner sur ces sujets un avis et des recommandations, avec une autorité suffisamment grande pour que les citoyens aient confiance et que les pouvoirs publics ne puissent pas les ignorer.

Dans le domaine du nucléaire, il faut créer un droit à l’information de nos concitoyens et doter notre démocratie d’une instance indépendante d’évaluation des risques. La sécurité nucléaire est assurée de manière remarquable dans notre pays. La création d’une instance indépendante n’en est pas moins nécessaire pour garantir à nos concitoyens le sérieux du dispositif français. Cette instance exercerait la mission de « CADA du nucléaire ». Elle ferait le tri entre les documents communicables aux citoyens et ceux qui ne peuvent pas l’être pour des raisons bien compréhensibles de sécurité nationale.

Enfin, il faut que nous nous donnions les capacités d’expertise nécessaires à l’évaluation et à la prévention des risques.

Le nombre de cancers liés à l’environnement est estimé à 20%. La bronchiolite du nourrisson augmente de manière spectaculaire. Il est vraisemblable que les produits utilisés dans l’agriculture ont une influence nocive sur la santé des agriculteurs. Sur tous ces points, nous avons des présomptions, des inquiétudes, mais nous demeurons démunis de connaissances exactes.

Il faut que la France se dote, en matière de santé environnementale, d’une véritable filière de formation, de structures de recherche, de moyens matériels et humains adaptés à l’importance de l’enjeu.

Et il faudrait permettre à chaque Français qui le souhaite de faire noter dans son dossier médical partagé les données environnementales le concernant, en particulier celles qui sont relatives à son métier. Cela permettrait d’améliorer l’information des patients sur les mesures de prévention et de prudence qu’ils peuvent prendre, et d’accroître la connaissance scientifique, si ces données pouvaient être récupérées et traitées à grande échelle, de manière anonyme naturellement.

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La deuxième rupture, c’est de réconcilier les Français entre eux.

Ce que les Verts ont fait de pire à l’écologie, c’est de braquer les uns contre les autres ceux qui avaient toutes les raisons de se réunir autour de l’écologie. Il faut être singulièrement doué pour réussir à opposer les chasseurs et les protecteurs de la nature. Il ne faut avoir aucun sens de la terre pour penser que les agriculteurs se satisfont des pollutions agricoles, dont ils sont les premières victimes. Il faut vraiment détester l’entreprise pour penser qu’elle est par nature hostile à l’écologie, alors que, depuis 20 ans, les entreprises sont peut-être les acteurs qui ont pris le plus d’initiatives pour tenir compte des préoccupations environnementales.

On peut parler des problèmes, sans désigner immédiatement des coupables.

Oui, il y a un problème avec l’industrie chimique : pas avec les industriels, pas avec les entreprises, mais avec le nombre très important de substances qui existent et dont nous ne connaissons pas la toxicité, tout simplement parce qu’elle n’a pas été étudiée.

Oui, il y a un problème avec les pollutions agricoles. Les agriculteurs en sont les premiers conscients puisqu’ils ont déjà entrepris des efforts pour réduire ces nuisances.

Oui, il y a un problème avec les transports. Celui qui se déplace en voiture individuelle émet beaucoup trop de gaz carbonique par rapport à celui qui utilise les transports communs. Et il y a trop de trafic routier de marchandises. On peut dire cela tout en reconnaissant que la politique publique des transports a largement contribué à cette situation ; et tout en sachant que la voiture individuelle restera un mode incontournable de déplacement.

Notre proposition, cela doit être de passer d’une écologie de la division à une écologie de la conjugaison, c’est-à-dire une écologie où chacun prend sa part des efforts et retire sa part des bénéfices.

Pour cela, il faut rompre avec la logique pointilliste (un plan nouveau, mais invisible chaque semaine) au profit d’une vision d’ensemble construite sur des objectifs et la mobilisation de tous.

Notre projet pourrait être le suivant : engager en cinq ans les actions nécessaires pour que TOUS les problèmes écologiques de la France soient résolus D’ICI UNE GENERATION, (deux pour le climat) : agriculture, déchets, biodiversité, risques industriels, santé environnementale, effet de serre…

Cette politique ferait l’objet d’une évaluation régulière. C’est la culture du résultat.

Elle articule le temps politique avec le temps environnemental.

Elle impliquerait tous les acteurs de la société : c’est ainsi qu’elle serait mobilisatrice. Nous aurions l’adhésion populaire nécessaire pour trouver, au cas par cas, avec les partenaires concernés, les solutions aux principales difficultés qui sont les nôtres en matière environnementale : pollutions agricoles, primat du transport routier, risques industriels… Et nous obtiendrions un infléchissement de certains modes de vie des ménages, qui est nécessaire.

Je crois dans la responsabilisation des acteurs à condition qu’elle se conjugue avec l’équité.

Je pense que les associations ont joué déterminant dans la prise de conscience planétaire des enjeux écologiques. Il faut les soutenir. Mais je pense aussi qu’il faut impliquer tous les membres de la société à la définition de nos politiques.

Cette nouvelle écologie doit être pragmatique. Il n’y a pas les instruments de la gauche d’un côté, taxation et réglementation, les instruments de la droite de l’autre, incitation et mécanismes de marché. Ou alors, c’est que nous n’avons pas compris la place que tient désormais l’écologie dans l’esprit de nos compatriotes. Notre but doit être de réussir. Pour cela, nous ne devons être esclaves d’aucune méthode. Chacune a ses avantages et ses inconvénients. Tout dépend des cas.

Au Japon, la politique de réglementation rigoureuse de l’efficacité énergétique des produits a pour résultat que les entreprises japonaises sont très en avance sur le marché des produits verts, notamment dans le domaine des transports.

Les droits d’émission de gaz à effet de serre ont constitué une innovation très intéressante. Les mécanismes de marché sont une bonne solution pour certaines questions. Il faut les envisager par exemple dans le domaine agricole.

Quant à la fiscalité écologique, elle présente la caractéristique de voir ses recettes diminuer à mesure que les comportements se modifient. Mais c’est justement son but. Alors assumons-le !

Il faut utiliser davantage les instruments de la fiscalité écologique, mais en les réservant à ce qu’ils doivent être : un moyen d’internaliser le coût des nuisances environnementales afin d’influer sur les choix économiques des acteurs.

Dans le même esprit, il faut développer les incitations fiscales favorables à la protection de l’environnement. Il est incohérent que certains comportements écologiques coûtent aujourd’hui plus chers que les comportements non écologiques. Il faut encourager de manière très significative l’achat des véhicules plus propres, les travaux d’isolation dans les logements, l’équipement des ménages en chauffe-eau solaire ou en citerne de récupération des eaux de pluie. Dans le même esprit, les tarifs des services publics locaux devraient être réellement modulés en fonction des consommations réelles, à charges de famille égales, et les économies récompensées.

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Si nous voulons sortir du dilemme sans fin entre l’écologie et la croissance économique, il faut proposer de faire de l’écologie un moteur de celle-ci. C’est le troisième axe d’une écologie populaire. Il est absurde d’opposer l’écologie, la croissance et le progrès. La croissance économique commence toujours par entraîner une amélioration générale de l’état sanitaire d’un pays et d’une population. Nos villes n’ont plus rien à voir avec celles du Moyen Age ou même du XIXème siècle. Au cours des années récentes, c’est un fait que les qualités de l’air et de l’eau se sont améliorées en France. Et les pays les moins avancées souffrent aujourd’hui de nuisances environnementales qui sont directement liées à leur état de sous-développement.

Mais il est tout aussi faux de croire ou de faire croire que la croissance va nous permettre de résoudre toutes nos difficultés. En matière d’écologie, la science et la croissance sont une partie du problème, et une partie de la solution. C’est à l’action politique qu’il revient d’orienter dans le bon sens.

Il existe un champ considérable d’activités nouvelles et de créations d’emplois dans le domaine environnemental : transfert de technologies propres vers les pays en développement, entretien des paysages, loisirs de pleine nature, recyclage, travaux dans les logements, énergies renouvelables, recherche et développement de produits écologiquement performants. Une partie de ces emplois sont par nature non délocalisables. La France compte déjà 400 000 emplois dans ces activités, dont la croissance annuelle est de 3% par an, c’est-à-dire l’objectif général de croissance qui pourrait permettre à notre pays de retrouver une situation de plein emploi. Conjuguons la croissance et l’écologie plutôt que de les opposer.

Mais je veux le dire clairement : d’autres pays ont pris avant nous les initiatives nécessaires pour positionner leurs entreprises sur les marchés les plus porteurs. C’est le cas de la Suède, du Danemark, de l’Allemagne, du Japon ou encore du Brésil, qui a développé une politique ambitieuse en matière de biocarburants.

Il faut donc que les pouvoirs publics prennent les mesures utiles pour que la France, qui en a le potentiel, s’engage elle aussi dans cette voie prometteuse.

A cet effet :

- il faut soutenir bien sûr la recherche et le développement. Les industries de défense et l’aéronautique ont été les principaux moteurs de l’innovation technologique au XXème siècle. L’écologie devrait jouer le même rôle pour le XXIème siècle ;

- il faut ensuite stimuler la demande en produits et services écologiques. C’est le rôle notamment des incitations fiscales ;

- il faut enfin faire baisser les prix des produits propres par rapport aux produits qui le sont moins. Il est aberrant qu’un bus fonctionnant au GPL coûte 15% de plus qu’un bus fonctionnant au diesel ; et tout aussi aberrant que le coût d’une voiture électrique soit supérieur à celui d’une voiture à essence ; incompréhensible également que la France importe 70% des produits bio qu’elle consomme, parce que le marché du bio est trop étroit pour compenser les surcoûts supportés par les agriculteurs.

Les collectivités publiques peuvent jouer un rôle important pour faire baisser les prix des produits verts et faire ainsi démarrer les marchés. Il faut pour cela qu’elles mettent en œuvre une politique d’achats publics éco-responsables. La flotte publique devrait être composée, au fur et à mesure de son renouvellement, uniquement en véhicules dits propres. Les bâtiments de l’Etat devraient recourir à l’électricité verte et respecter les normes HQE (haute qualité environnementale). Et l’on créerait un réel marché du bio français qui ferait baisser les prix, si les cantines publiques s’approvisionnaient davantage en produits issus de l’agriculture biologique.

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Dernière orientation clé : il faut revoir nos structures de gouvernement et élaborer une stratégie d’action internationale dans le domaine de l’écologie.

A l’évidence, le ministère de l’écologie et du développement durable n’est pas calibré à la hauteur des enjeux qui sont les siens et de la place prise par l’écologie dans notre société. C’est un ministère sous-doté financièrement (0,25% du budget de l’Etat), sans corps d’encadrement dédié, dont les structures déconcentrées sont modestes et qui coordonne un patchwork d’organismes, sans réelle capacité d’impulser l’ensemble. On ne peut pas à la fois proclamer que l’écologie, c’est important et accepter cette situation. Il faut créer un grand ministère de l’écologie regroupant au minimum l’énergie, les transports et l’équipement. Ce sont en effet les questions les plus déterminantes.

La France doit se doter d’une filière scientifique de formations courtes et longues dans le domaine de l’environnement. Il n’y a pas aujourd’hui de cursus universitaire, ni de grande école officiellement chargés de former des ingénieurs de l’environnement, même si certaines écoles ou universités peuvent prétendre s’en approcher.

Nous devons par ailleurs nous doter d’une stratégie d’influence au niveau international. Ce sont dans les négociations internationales que se jouent les questions les plus difficiles, à commencer par celles relatives au climat. Il faut que les Français soient beaucoup plus présents, pas seulement pour fixer des principes, mais aussi pour faire connaître et prévaloir, dans les comités d’experts, nos normes, nos diagnostics et nos solutions techniques. C’est l’un des enjeux de la création d’une filière de formation. L’écologie doit devenir partie prenante de l’intelligence économique.

L’écologie est à l’interface de problématiques très délicates : la mondialisation, le développement, le commerce international. Ce qui est en train de se jouer doit faire l’objet d’une bonne compréhension et d’une excellente interprétation.

Il faut naturellement faire tout notre possible pour amener les Etats-Unis à s’engager sur des objectifs de réduction de leurs émissions de gaz à effet de serre. L’Union européenne, que l’on entend beaucoup trop peu sur ce sujet, doit agir de tout son poids pour les en convaincre.

Il faut concilier le développement des échanges avec le respect de l’environnement. La mondialisation humaine, c’est une mondialisation qui ne perd pas en dégradation de l’environnement, ce qu’elle gagne en croissance et en rapprochement des cultures.

Et puis, les pays développés ne peuvent pas à la fois être en concurrence sur le terrain des salaires et sur celui des normes environnementales, accepter toutes les contraintes et voir partir tous les emplois. La Chine, l’Inde, le Brésil, ne sont plus des pays très pauvres auxquels il faut tout consentir. L’OMC doit intégrer les questions environnementales dans la négociation des accords commerciaux.

Pour les pays très pauvres, il est de leur intérêt, et donc du nôtre, de ne pas freiner leur développement, car les problèmes environnementaux et sanitaires qui sont les leurs sont des problèmes de pays insuffisamment développés. Nous devons poursuivre nos efforts commerciaux en leur faveur et, en échange, accélérer nos transferts de technologies propres. C’est une politique gagnant-gagnant.

La stratégie internationale de la France pourrait porter sur la création d’un mécanisme permettant de mieux intégrer dans le prix des produits, ne serait-ce au départ qu’à titre d’information, le prix d’une denrée qui est devenue très rare, mais qui n’est jamais prise en compte : le droit d’émettre du carbone. Un produit chinois serait beaucoup plus cher si l’on intégrait au calcul de son coût les atteintes à l’environnement entraînées par sa production et par son transport.

Il faut par ailleurs que la France, qui est très riche en la matière du fait de la diversité de son territoire et de sa présence outre-mer, use de son influence pour renforcer la protection internationale de la biodiversité. L’érosion de la biodiversité s’accélère dans le monde, entraînant la perte, pour toute l’humanité, de possibilités considérables de découvertes. Il faut vraiment stopper les atteintes à la biodiversité.

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Mes chers amis, je voudrais terminer notre Convention en évoquant la question de l’énergie. C’est actuellement le sujet le plus important, pour des raisons qui tiennent à la fois à l’urgence du problème du changement climatique, mais aussi à l’épuisement des réserves en hydrocarbures et aux enjeux de la sécurité de notre approvisionnement.

Je voudrais formuler quatre propositions principales, tout en rappelant que l’UMP revendique la contribution essentielle du nucléaire à notre bilan énergétique et écologique.

- premièrement, la première source d’énergie, ce sont les économies d’énergie. Nous pouvons obtenir grâce à elles des résultats rapides sur nos émissions de gaz à effet de serre et notre facture énergétique. Je propose deux mesures simples parmi d’autres : d’une part, une incitation fiscale ou un prêt à taux zéro pour l’isolation de tous les logements anciens. Cela permettrait de réduire de 10% nos émissions, soit la moitié de toutes les émissions de l’industrie ; d’autre part, un mécanisme d’incitation au covoiturage, grâce à des chèques-transports de l’entreprise ou à des mécanismes fiscaux ;

- deuxièmement, il faut développer bien sûr les énergies renouvelables en sachant qu’elles ne pourront pas tout régler. Aujourd’hui, il n’y a pas de solution unique à l’équation énergétique. Si l’on excepte l’hydroélectricité, les énergies renouvelables représentent environ 6% de notre consommation contre 15% en Allemagne. Il faut franchir le seuil des 10% en encourageant la biomasse, le solaire, l’éolien l’éolien, notamment offshore ;

- troisièmement, il faut se souvenir que ce n’est pas parce que nous avons du nucléaire, que nous ne sommes pas dépendants vis-à-vis des hydrocarbures. 98% du secteur des transports fonctionne avec le pétrole. C’est une situation qu’il est urgent de mesurer pour en anticiper les suites. Nous devons développer une diplomatie européenne du pétrole pour sécuriser notre approvisionnement. Et la France devrait prendre l’initiative d’une politique européenne de l’énergie, dans le but notamment d’accélérer les programmes communs de recherche en faveur des véhicules plus propres. Le programme Airbus de ce début de siècle devrait être la pile à hydrogène ;

- enfin, il faut repenser notre politique des transports. Les émissions de gaz à effet de serre causés par les transports augmentent de 2% chaque année en France. Ce n’est pas compatible avec nos engagements de Kyoto. Il faut réussir le découplage entre la croissance économique et les émissions de CO2.

Cela passe, d’une part, par une politique de transports en commun beaucoup plus ambitieuse, avec des équipements plus sûrs, plus confortables, et beaucoup plus fréquents, y compris la nuit.

D’autre part, il faut encourager le transport ferroviaire de marchandises et les autoroutes de la mer dans un cadre européen. Le fret ferroviaire représente 67% du transport total de marchandises en Suisse contre 13% en France. Si c’était la Hollande, je comprendrais qu’on nous dise que ce n’est pas reproductible. Mais si la Suisse y arrive, on ne voit pas pourquoi nous n’y parviendrions pas.

Il ne faut pas se tromper sur la portée de ces propositions. Il faut plusieurs années, voire même plusieurs décennies, pour infléchir une politique des transports. Si nous voulons développer le ferroutage, et je le propose, il faudra changer notre processus décisionnel en matière d’infrastructures. Cesser de reprendre systématiquement les schémas de nos prédécesseurs, parfois engagés depuis de longues années, et entreprendre au préalable une réflexion stratégique sur ce que nous voulons. Faut-il doubler l’autoroute du sud et l’autoroute du nord, comme on le prévoit actuellement, ou créer un axe nord-sud de transport ferroviaire des marchandises ? La question mérite d’être posée.

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Mesdames et Messieurs, pas plus que d’autres défis, la dégradation de l’environnement n’est pas une fatalité. Le Japon, la Suède, l’Allemagne, la Suisse, tous ces pays ont montré qu’il existait des solutions aux problèmes que nous avons à affronter. Inspirons nous de leur exemple pour être au rendez-vous des enjeux de l’écologie.

Notre imaginaire de l’avenir est si pauvre. Il est fait d’une accumulation de menaces, alors qu’il faut donner des espérances.

C’est pourtant un siècle extraordinaire qui commence. Un siècle où vont se réinventer tous nos schémas de pensée. Notre pays ne doit pas manquer ce tournant.

Penser loin, agir vite. C’est la seule ambition qui soit à la hauteur de la France.