Paris sur le chemin de la reconquête


Discours de Nicolas Sarkozy – Président de l’Union pour un Mouvement Populaire Etats généraux de la fédération de Paris – Samedi 16 avril 2005 – Parc Floral de Vincennes

Mes chers amis,

Je veux avant toute chose remercier Madame Dora Bakoyannis, maire d’Athènes, de nous avoir fait l’honneur de sa visite. Non seulement vous êtes, Madame, un des rares maires de droite d’une capitale européenne, mais vous êtes une femme politique de très grand talent, et il en fallait pour réussir l’organisation des Jeux olympiques de 2004. Votre expérience Madame, nous sera profitable. Soyez encore une fois remerciée du temps que vous nous avez consacré.

Notre réunion, à laquelle vous êtes venus si nombreux, est exemplaire de la façon dont je pense qu’il convient rénover la vie politique française. Nous ne pouvons plus faire de la politique comme nous l’avons pratiquée jusqu’à présent. Paris est pour nous une priorité, car la ville capitale doit pour l’UMP être exemplaire de notre volonté de renouveau. Paris, ville universelle, doit redevenir un modèle. Cette réunion, nous la tenons donc pour Paris, mais aussi pour montrer à toute la France que partout où nous connaîtrons des difficultés dans le choix de nos candidats ou dans celui de nos orientations stratégiques ; je n’hésiterai pas à me tourner vers les adhérents pour leur demander de donner leur avis.

Regardons où nous en sommes. Paris était le symbole de notre force. Il est devenu, les années passant, le témoignage de nos faiblesses.

A la veille des élections municipales de 1995, la droite unie derrière Jacques Chirac tenait les 20 arrondissements de Paris. Nous comptions 141 conseillers de Paris de droite contre 22 pour la gauche. En 1995, nous avons cédé 6 arrondissements à la gauche et 42 sièges de conseillers de Paris. En 2001, nous lui avons cédé 6 arrondissements supplémentaires et 28 sièges de conseillers de Paris. Nous perdu la ville en étant majoritaires en voix. Ce qui démontre que malgré tous nos problèmes, le potentiel est là, disponible, prêt à s’enthousiasmer à nouveau pour peu que nous donnions les preuves de notre réveil.

Quant au bilan législatif, il n’est guère plus flatteur. En 1993, nous avons failli réaliser le grand chelem en remportant 20 des 21 circonscriptions législatives. Et pourtant en 1997 nous avons cédé 7 sièges au parti socialiste. Et en 2002, dans la foulée de l’élection présidentielle de Jacques Chirac, sans candidat socialiste au second tour, nous avons perdu 3 nouveaux sièges au profit de la gauche, dont deux pour les Verts. Le bilan des élections sénatoriales est à l’avenant : sur les 12 sièges qu’a toujours compté Paris depuis 1977, nous en avions 11 en 1986, mais 7 en 1995 et 5 seulement depuis 2004.

Voilà notre réalité électorale à Paris. Je l’ai décrite non pour chercher des boucs émissaires, mais pour que chacun prenne conscience de ce qui est à mes yeux un gâchis !

Qui peut s’en satisfaire ? Qui peut dire que nous avons su prendre les bonnes décisions, et que nos méthodes étaient adaptées ? Que nous avons su rester unis ?

Et je veux dire que ce fut une erreur que de croire que l’on pouvait diriger la Fédération UMP de Paris de l’extérieur, sans écouter ses élus, ses responsables, ses adhérents. Cette époque est révolue. Nous prendront désormais les décisions ensemble et par-dessus tout parce que nous les aurons prises ensemble, nous les assumerons et les défendrons ensemble ! Vous n’êtes plus seuls puisque nous allons vous aider sur le chemin de la reconquête.

Seul désormais l’avenir doit nous préoccuper. Pour le préparer, l’incarner, nous l’approprier, il nous faut faire vivre la Démocratie, nous engager dans un travail constant et ne pas avoir peur d’innover. Je veux instaurer une véritable démocratie dans l’UMP en général et à Paris en particulier. Cela suppose deux changements majeurs dans notre façon de concevoir la politique. Le premier auquel je souhaite vous voir adhérer, c’est celui qui consiste à ne pas avoir peur de donner la parole aux adhérents. Ne vous y trompez pas. Il n’existe plus d’organisation dont les membres accepteront de demeurer passifs. De n’avoir le droit que de payer une cotisation et de voter comme on leur a dit et de préférence pour le candidat qu’on leur a désigné. La promesse que j’ai faite aux militants, à notre Congrès du Bourget, et que je fais à tous les nouveaux adhérents de l’UMP de Paris, c’est que non seulement je leur demanderai leur avis, mais que de surcroît j’en tiendrai compte !

Les militants ont acquis le droit à la parole, et ce droit, nul ne peut aujourd’hui le leur contester.

Nous ne pouvons plus préparer les échéances électorales en étant coupés des électeurs. Nous ne pouvons plus nous répartir les investitures entre élus. Le mérite dont nous parlons tant dans nos discours. Il est temps de lui donner de la réalité dans notre pratique quotidienne. Je veux que nous sachions distinguer ceux qui en veulent le plus, ceux qui travaillent le plus, ceux qui ont le plus d’idées et non ceux qui en ont le moins ; ceux qui prennent le plus de risques et non ceux qui les contournent.

A Paris, c’est la division qui nous a fait perdre. Il nous faut donc retrouver l’union de tous. Mais pour cela, il faut une règle loyale, transparente, équitable. Je n’en connais q’une de parfaitement incontestable : des élections internes pour départager les talents dont nous avons la chance qu’ils soient nombreux dans notre Famille.

Et c’est à cet instant que je veux vous appeler, à un deuxième changement, celui qui consiste à ne pas craindre la concurrence, l’émulation, la compétition. Ce ne ne sont pas les talents en nombre qui sont un problème pour une Formation politique, c’est l’absence de talents.

C’est pour moi une question de respect des adhérents, des citoyens, de la démocratie. Il convient d’être cohérent ; on ne peut dire aux chefs d’entreprise : la concurrence c’est bien pour vous et inutile pour nous les politiques ! Qui le comprendrait et plus encore qui l’accepterait ?

Enfin, qui peut douter que le candidat ou la candidate qui engagera la bataille pour la mairie de Paris en 2007 aura d’autant plus de force qu’il aura su rassembler sa Famille. Ce sera un atout formidable pour élargir ce rassemblement à tous les Parisiens. Le jour venu, personne ne pourra mettre en doute la légitimité de notre candidat, car la compétition entre les postulants aura été loyale, c’est-à-dire claire, fondée sur des règles connues à l’avance et acceptées par tous. Et celui ou celle que les militants se seront donné pour mener la bataille devra savoir faire une place aux autres, notamment à ceux qui n’auront pas gagné, pour rassembler toutes les énergies de la droite et du centre. N’oublions jamais que « le Roi de France se doit d’oublier les querelles du Duc d’Orléans ». C’est à ce prix et à ce prix seulement qu’il est un grand Roi.

Les candidats qui ont déjà fait la démarche de se déclarer, et –je le dis avec force- sont de très grande valeur. Je n’ai aucune préférence entre eux, je n’ai pas à en avoir, je suis ami avec tous et celui que vous choisirez sera mon candidat. Il aura alors tout mon soutien.

Quelle est donc la règle du jeu que je vous propose ? Je serai avec votre président Philippe Goujon le garant du bon déroulement des opérations.

Nous avons fait adopter par les candidats déclarés un code de bonne conduite. L’élection sera organisée sur un pied d’égalité entre tous ; ils disposeront de moyens également répartis entre eux, ce qui leur permettra de faire une campagne active, dans le respect les uns des autres et dans la transparence.

Tous ceux qui veulent y participer devront, entre le 20 juin et le 12 septembre, réunir les parrainages de 10 élus parmi les 60 conseillers de Paris et les 120 conseillers d’arrondissement, et cent militants de 10 circonscriptions différentes. Vous le voyez, le filtre existe mais il est large, car la compétition ne doit pas être verrouillée.

La campagne électorale commencera le 19 septembre, et vous, les adhérents de la fédération de Paris, serez amenés à exprimer votre préférence entre le 25 février et le 4 mars 2006. J’ai par ailleurs décidé la mise en place d’un comité de contrôle et de régulation, dont j’ai confié la présidence à Robert Pandraud, qui préside déjà avec une efficacité et une impartialité dont je peux attester la Commission de contrôle des opérations électorales de l’UMP.

Je souhaite que nul différend, nul conflit ne se traduise par un quelconque manque de respect entre les candidats : que chacun ait clairement à l’esprit que tous devront être rassemblés pour la bataille des municipales. L’objectif, c’est l’union à Paris.

Que chacun mette en avant ses atouts. Il n’est nul besoin de souligner les faiblesses des autres. Sachons nous respecter et par-dessus tout, nous additionner !

Je voudrais remercier Philippe Goujon et l’ensemble de la fédération de Paris du remarquable travail effectué pour l’organisation de cette réunion et pour la préparation de l’élection.

Certains me diront : se préoccuper des élections municipales de 2008, c’est trop tôt. Je ne le crois nullement. Car c’est toujours une mauvaise raison, celle qui vous pousse à différer le moment de se mettre au travail. Je n’aime pas l’idée que nous demeurions passifs, immobiles, comme interdits. Il faut agir sans attendre. Dans le passé, c’est parce que les choses n’avaient pas été organisées à l’avance que nous sommes allés collectivement à l’échec. Finalement, j’ai une ambition assez simple, et sans doute originale, je veux que nous soyons prêts avant les élections plus tôt – comme je l’ai si souvent vu – qu’après !

D’autres vont dire : est-ce que tous les candidats possibles, et notamment les ministres, pourront être présents dans la campagne? Je vais être très clair : j’ai dit aux ministres – et certains nous font l’amitié de leur présence aujourd’hui – qu’ils étaient les bienvenus pour participer à cette compétition. Ils y auront les mêmes droits que les autres, mais aussi les mêmes obligations. C’est aussi cela la République.

La deuxième règle de conduite à laquelle je vous invite, c’est le travail. Nous ne gagnerons pas les prochaines municipales en nous donnant seulement un candidat. Nous devons convaincre les Parisiens qu’il existe une alternative à la gestion socialiste. Pour cela, il nous faut bâtir le projet de l’UMP pour la prochaine mandature. Il nous faut repenser notre vision de PARIS. Et là encore, c’est vous qui déciderez de ce projet, qui le nourrirez de votre expérience et de vos aspirations. Je ne vais pas vous dire aujourd’hui ce que doit être le programme de l’UMP pour Paris. Nous engageons une phase d’écoute et de réflexion, pour mieux connaître les attentes des parisiens, et les comptes rendus de nos quatre rapporteurs montrent que de ce point de vue-là nous avons réussi. Car enfin le bilan que nous présente le maire de Paris est-il si admirable que nous n’ayons rien à y redire ? Rien à imaginer de nouveau, de différent ? Rien qui ne corresponde aux attentes des Parisiens ? Quel est ce bilan, quatre ans après son élection ?

La circulation ? Le maire se targue d’avoir diminué les chiffres de la circulation automobile au bénéfice des transports en commun. En réalité, la circulation n’a diminué que sur les grands axes, qui abritent les nouvelles voies de bus. Beaucoup d’argent a été dépensé : 100 millions d’euros. Mais en y regardant de plus près, que voit-on ? La circulation n’a pas baissé, elle a simplement bifurqué des grandes artères vers les petites rues. Aveuglée par son hostilité idéologique à l’automobile, objet d’exécration des Verts, la majorité municipale a sous-estimé les besoins. Loin de diminuer, la circulation automobile à Paris augmente depuis l’année dernière. Et en revanche, pour la première fois depuis 1996, la fréquentation des transports en commun a diminué. Les faits sont là : baisse de 2,8% pour le métro, de 3% pour les bus et 2,3% pour le RER ! Il est vrai que la véritable priorité du maire, c’est le vélo : en trois ans, il a construit 1 kilomètre de piste cyclable !

Quant à l’effet sur l’environnement, il se mesure facilement dans ces conditions : puisque malgré les incantations, la circulation est plus dense et plus difficile qu’avant, la pollution est nécessairement pire qu’avant ! Si on élargit les couloirs de bus, il ne faut pas s’étonner qu’on multiplie les bouchons. Et chacun sait qu’une voiture à l’arrêt pollue plus qu’une voiture qui circule. Comment s’étonner que la qualité de l’air parisien s’est dégradée ? Selon l’Observatoire municipal des déplacements, la qualité de l’air a commencé à baisser à partir de 2003. Cet organisme a qualifié la situation de « médiocre à mauvaise » pendant une période deux fois plus longue en 2003 que les moins bonnes années de la mandature précédente.

L’activité économique et l’emploi ? L’économie parisienne va mal. Depuis dix ans, Paris a perdu plus de 200.000 emplois, le plus mauvais score des capitales européennes. Et pour la première fois, depuis 2003, Paris a vu son taux de chômage dépasser le taux de chômage national : 11.5% de chômeurs à Paris. C’est grave pour la France car quand Paris est affaibli, c’est l’économie française qui est toute entière fragilisée. Le chômage, c’est la préoccupation première des parisiens. Ils savent que quand on vit sans emploi, on ne vit pas, on survit. Or que constate-t-on ? Depuis 2001, la majorité municipale a ignoré les problèmes économiques. Paris n’a pas de projet économique.

Le logement ? Le nombre des mal logés n’a jamais été aussi élevé à Paris. 105 000 personnes aujourd’hui, là où ils n’étaient que 85 000 en 1990. Et là où Bertrand DELANOË affirme créer 3500 logements sociaux par an, nous n’en comptons qu’un millier environ, soit 1000 de moins que sous la précédente mandature. Le maire se plaint de la spéculation sur le prix des logements qui chasse les classes moyennes de Paris, alors qu’il en est lui-même en partie responsable. En annonçant dès 2001 que la Mairie exercerait son droit de préemption, et ce à n’importe quel prix, il a contribué à tirer vers le haut les prix du marché immobilier, qui ont ainsi augmenté de 35% en trois ans. En matière de logement social, il y a une chose dont les classes moyennes doivent être bien certaines, c’est que l’équipe municipale ne les aide pas. Savez-vous combien de logements intermédiaires non sociaux ont été créés ? 25, depuis mars 2001. Ce qu’il faut, c’est au contraire favoriser l’accession à la propriété des locataires.

La politique familiale Elle est inexistante tant il est vrai que la priorité des B. Delanoë n’est pas de se préoccuper des conditions de vie des familles mais d’organiser des fêtes pour la gauche caviar qui s’ennuie. Mes chers amis, vous devrez proposer des mesures concrètes pour trouver de nouvelles réponses aux nouveaux problèmes des Parisiens. Vous devez faire preuve d’imagination, de créativité et d’audace. Ainsi, comment remettre au travail tous les Rmistes astreints à l’exclusion par une société qui finit par mieux rémunérer l’assistanat que le travail ? Comment trouver de nouveaux modes de gardes des enfants alors que les femmes ont de plus en plus de difficultés à concilier vie familiale et vie professionnelle ? Les crèches d’entreprises, les allocations pour les emplois familiaux, les crèches associatives sont des pistes à explorer. Comment trouver une réponse pour tous ces collégiens qui se retrouvent seuls à 16h30 et dont les parents se demandent ce qu’ils font ? Comment rendre accessible pour tous le rêve de devenir propriétaire de son logement ? Les Parisiens veulent des réponses concrètes parce qu’ils attendent des résultats. Il est largement venu le temps de redresser la tête et de construire une alternative municipale enthousiasmante et audacieuse.

Parce que Paris, c’est beaucoup plus que la capitale de la France. Paris c’est le visage de la France en Europe et dans le monde. C’est pourquoi personne mieux que les Parisiens ne peut comprendre l’importance qu’il y a aujourd’hui à dire « Oui » à la Constitution européenne. L’Europe ne comprendrait pas que la France lui tourne le dos ; et elle le comprendrait encore moins venant de Paris. Je ne suis pas sourd. A force de sillonner la France, j’entends le message des Français. Je ne crois pas que ceux qui ont envie de voter « non » ne montrent qu’une mauvaise humeur passagère. Je sais qu’ils ont des craintes bien réelles. Je sais aussi que la tentation du « non », c’est aussi, pour certains de nos concitoyens, une manière d’exprimer des souffrances et des incompréhensions pour ne pas dire des exaspérations. Je m’engage pleinement dans cette campagne parce qu’elle est décisive. Dire « Oui » à la Constitution européenne, c’est dire « Oui » au changement. Voter « Non » c’est se condamner à garder l’Europe telle qu’elle est : l’Europe dirigée par des gens que vous ne connaissez pas et qui ne cherchent pas à vous rendre des comptes, l’Europe de l’immobilisme qui a du mal à prendre des décisions. En votant pour la Constitution, c’est à une nouvelle Europe qu’on dit « Oui » : une Europe qui vous donne plus de pouvoir, une Europe qui vous protège mieux, et une Europe qui fonctionne mieux. La première transformation introduite par la Constitution européenne, c’est qu’elle met le citoyen au cœur du projet européen. Et ça c’est plus qu’une avancée, c’est une rupture complète avec ce qui avait été fait jusque là. Comment redonne-t-elle le pouvoir au citoyen ? D’abord en donnant plus de pouvoir à leurs représentants, c’est-à-dire au Parlement européen. Son accord est désormais indispensable pour prendre des décisions dans près de 40 nouveaux domaines. Avec la Constitution, ce sont 95% des lois européennes qui devront être approuvées par le Parlement. La Constitution donne aussi à l’Europe des valeurs communes. Avec la Charte des droits fondamentaux, elle garantit de nouveaux droits aux citoyens européens.

La Constitution rapproche aussi l’Europe des citoyens parce qu’elle crée une Europe politique. Et ça aussi, c’est un progrès majeur, parce que ça fait des années que nous, Français, nous la demandons, cette Europe politique. Un Europe politique, c’est quoi ? C’est d’abord une Europe qui rend des comptes. Avec la Constitution, le Président de l’Union sera élu pour deux ans et demi par le Conseil. Deux ans et demi, ça laisse le temps d’entreprendre des choses dans la durée, ça donne de la cohérence à l’action. Mais plus de pouvoirs, c’est aussi plus de responsabilités. Comme il est élu par les membres du Conseil, le Président devra justifier son action, surtout s’il veut être réélu pour un second mandat, ce qui est autorisé par la Constitution. C’est un changement fondamental. L’Union européenne aura désormais un visage et une voix, qui sera un vrai responsable politique, quelqu’un qui rendra des comptes.

Il en va de même pour le Président de la Commission européenne. Désormais, il sera élu par le Parlement européen en fonction des élections européennes : la Commission deviendra ainsi plus démocratique, mais aussi plus responsable politiquement. Enfin, l’Europe pourra désormais s’incarner sur la scène internationale dans la personne du Ministre européen des Affaires étrangères que crée la Constitution.

La troisième transformation, enfin, c’est celle de l’efficacité. La Constitution européenne améliore le fonctionnement des institutions et donne à l’Europe le pouvoir de surmonter tous les immobilismes. D’abord, elle généralise le vote à la majorité qualifiée, qui devient la procédure normale de prise de décision dans l’Union. Depuis des années, l’Europe est bloquée sur des sujets essentiels, comme l’immigration, à cause de la règle de l’unanimité. Et je vous parle de cela dans une Europe à 15. Alors imaginez ce que ça donne à 25. Eh bien avec la Constitution européenne, c’en est fini de la paralysie : l’Europe peut se remettre en marche. Sur des sujets aussi important que l’immigration, l’asile ou la coopération judiciaire, c’est désormais à la majorité qualifiée que se prendront les décisions.

Et il faut ajouter que la France aura désormais plus de voix, et donc plus de poids, avec les nouvelles règles de vote. Dans le système actuel, la France possède 9 % des voix au Conseil ; avec la Constitution elle en aura 13,2 %.

Dans les cas où le vote à la majorité ne suffit pas à prendre des décisions, la Constitution a prévu des coopérations renforcées : les Etats qui veulent aller plus vite et plus loin ensemble de le faire. On en a déjà un bon exemple avec l’euro. Tous les pays ne l’ont pas adopté et ça ne l’empêche pas d’exister et de fonctionner. Avec la Constitution européenne, ce type de démarche pourra être engagée dans beaucoup d’autres domaines : la fiscalité, la politique sociale par exemple. Parce qu’il n’y a pas de raison que les Etats les plus en avance, dont la France fait souvent partie, soient empêchés d’avancer par les plus réticents.

Certains affirment que le « Non » à la Constitution serait le moyen de renégocier avec nos partenaires européens pour corriger les imperfections du texte actuel.

Soyons réalistes : si le « non » l’emporte, ce n’est pas un « non », mais des « non », et des « non » très différents les uns des autres, qui auront gagné. Alors si on renégocie sur cette base, lequel de ces « non » doit-on écouter ? Le non souverainiste qui, autour de M. Le Pen, rassemble ceux qui se sont toujours opposé à la construction européenne parce qu’ils refusent l’Europe en tant que telle ? Ou bien le non de l’extrême-gauche, celui qui va de Mme Buffet à M. Besancenot et qui nous explique encore en 2005 que la France et l’Europe se porteraient tellement mieux sans l’économie de marché ?

La vérité, c’est qu’il sera impossible de renégocier. Et ce pour trois raisons : Premièrement, parce que, du fait même de cette multiplicité de « non », il n’y aura pas de mandat clair de la part des électeurs pour renégocier. Deuxièmement, parce que je vois mal une majorité en Europe se constituer autour du « non » souverainiste de M. Le Pen. Pas plus que je n’imagine qu’une majorité en Europe se fasse autour d’un « non » communiste. Troisièmement, et c’est le plus important, quand bien même on renégocierait, pourquoi obtiendrait-on plus alors même que nos partenaires seront les mêmes ? S’il a fallu négocier 17 mois pour obtenir le projet de Constitution, puis négocier encore près d’un an pour que ce texte soit accepté par les gouvernements, il y a une bonne raison. Ce texte est le meilleur compromis qu’on pouvait obtenir à 25. Il faut que les Français le sachent. Comme il faut qu’ils sachent exactement ce qui va se passer si le non l’emporte. Pour moi, de deux choses l’une : au mieux, on en revient au traité de Nice ; c’est-à-dire on en revient à l’Europe moins proche des citoyens, moins démocratique, moins politique, moins efficace, moins humaine. Une Europe aussi où le poids de la France dans les négociations aura considérablement baissé, et où il nous sera donc plus difficile de défendre ce qui nous tient à cœur : la Politique agricole commune, l’exception culturelle, les fonds structurels.

Le pire scénario maintenant : une grande majorité de pays européens approuve la Constitution, et alors je ne vois pas comment la France, qui a voulu cette Constitution, pourrait politiquement les empêcher de l’appliquer entre eux : la construction européenne se poursuivra sans son principal initiateur. Est-ce cela que veulent les Français ? Comprenez-moi : je ne veux pas que les Français se retournent après vers nous, les hommes politiques, en nous disant « nous ne savions pas ! ».

Le référendum sur la Constitution européenne, c’est un moment historique, pour nous tous. Ce n’est pas tous les jours que l’on est invité à se prononcer sur une Constitution. Seuls les plus anciens d’entre nous ont été consultés en 1958 sur le projet du Général de Gaulle, qui a donné à la France sa Constitution actuelle. Alors cette chance historique, il ne faut pas la gâcher. Il faut être à la hauteur de l’événement et assumer pleinement la responsabilité qui est la nôtre. Les Français doivent répondre à la question qui leur est posée, et à elle seule. Le 29 mai, on ne votera pas pour tel ou tel à droite, on ne votera pas pour tel ou tel à gauche. On votera pour l’Europe, et pour la place de la France dans l’Europe. Je vous demande de voter pour l’Europe du changement, pour l’Europe qui bouge : celle des citoyens, celle de l’Europe politique, celle de l’efficacité. Et croyez-moi, cette Europe-là mérite un « Oui ».