Sarkozy découvre «l’Orient compliqué»


L’arrivée de Nicolas Sarkozy dans les souks arabes de la vieille ville de Jérusalem, hier après-midi, a semé la perplexité chez les commerçants : «Ce n’est pas Chirac ? Il n’est pas là ? Et lui, c’est qui ?». De guerre lasse, le très chiraquien député de Seine-Saint-Denis Eric Raoult, qui était du voyage, a fini par répondre en riant : «Non, Chirac n’est pas venu et, lui, c’est son fils !». Un peu plus tard, alors que le patron de l’UMP contemplait le «nombril du monde», dans le Saint-Sépulcre, Eric Raoult a même riposté à un curieux qui demandait si le visiteur était «le Président français» : «Pas encore !».

Dans cette partie de la ville sainte, comme dans le reste de l’Etat hébreu, on garde un vif souvenir de la colère du chef de l’Etat français contre la sécurité israélienne, en octobre 1996 – «Do you want me to go back to my plane ?». En revanche, la rue ne connaît pas Nicolas Sarkozy. Contrairement aux responsables politiques israéliens qui, du président Moshé Katzav au chef de l’opposition Shimon Pérès, en passant par le premier ministre Ariel Sharon, ont réservé à leur hôte français un accueil digne d’un chef d’Etat.

Pour deux raisons. D’abord, «parce qu’il faut penser à l’avenir», comme l’a dit en souriant Shimon Pérès pour expliquer sa longue entrevue avec le président de l’UMP, alors que les négociations pour la formation d’un gouvernement d’union nationale battent leur plein à Jérusalem. Ensuite, parce que les dirigeants israéliens espèrent trouver chez Nicolas Sarkozy une oreille plus attentive que celle de Jacques Chirac, unanimement considéré en Israël comme «l’ami des Arabes».

A tel point que le président de l’UMP a dû préciser à chacun de ses interlocuteurs : «Je soutiens la politique du gouvernement français.» Selon Nicolas Sarkozy, le «décalage» que les Israéliens perçoivent entre ses déclarations et le discours officiel de la France tient d’abord à l’attitude qu’il a choisi d’adopter : «Je ne suis pas là pour donner des conseils, mais pour comprendre. Comme aurait dit De Gaulle, je suis venu vers le Moyen-Orient compliqué avec des idées simples. Les idées simples, c’est qu’il faut deux Etats, et que la sécurité d’Israël est une question incontournable. Ça se complique quand on voit que c’est Sharon, un homme de droite, qui a pris l’initiative d’un retrait unilatéral de Gaza, contre l’avis d’une partie de ses amis.»

Tout en se défendant de se «comparer» avec un premier ministre qui «vaut la peine qu’on aille le saluer», Nicolas Sarkozy n’a pas résisté au plaisir de glisser : «N’est-ce pas parce que je suis un homme de droite que, moi, j’ai pu supprimer la double peine ?». Visiblement impressionné par Ariel Sharon, qui l’a gardé une heure et demie dans son bureau, il l’a trouvé «serein, très optimiste et totalement déterminé à aller jusqu’au bout» dans cette période «qui est un moment historique pour Israël, même si on ne sait pas encore sur quoi ça va déboucher».

Cette plongée au coeur de l’actualité brûlante, pour son premier déplacement à l’étranger, ravit le nouveau président de l’UMP. Entre deux rencontres, hier, il confiait : «On craignait que, à la tête du parti, je m’ennuie, je m’inquiète, je me banalise… Au contraire, ça me permet de prendre du recul vis-à-vis de la politique dans ce qu’elle a de plus quotidien. C’est intéressant pour le mouvement que je préside, pour moi à titre personnel et ça peut même parfois être utile pour mon pays.» Nicolas Sarkozy a plus de deux ans pour continuer ses voyages, «aller sur place pour apprendre à connaître ce dont on parle trop souvent depuis des bureaux». Et se faire connaître sur la scène internationale.