Réunion du CCSF


Intervention de M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie

Bercy – Mardi 9 novembre 2004 Réunion du CCSF

Je vous avais réuni le 7 octobre dernier sur la question des relations entre les banques. J’avais alors indiqué qu’à l’issue de consultations intensives avec les différentes parties prenantes, je reviendrai vers vous avec une série de propositions opérationnelles et concrètes, trois semaines plus tard.

Les discussions ont été tellement constructives, ainsi que je le pressentais alors, qu’il aura finalement quand même fallu un mois. Mais je voudrais dire à tous – même si je respecterai le secret de la négociation – que cette semaine de plus n’a pas été improductive.

Faisons le point ensemble, si vous le voulez bien, sous quatre têtes de chapitre :

   - la refondation des relations contractuelles – c’est le sujet, épineux, des conventions de compte    - l’activation de la concurrence, avec deux mots d’ordre : transparence et mobilité    - l’accès de tous aux services bancaires, c’est-à-dire non seulement à un compte bancaire, mais encore à un compte bancaire qui fonctionne    - enfin, une tarification équilibrée des incidents de paiement, qui n’encourage pas la délinquance mais qui laisse une chance aux clients de bonne foi.

1) La pierre angulaire de notre réflexion, c’est la relation contractuelle entre la banque et son client.

En la matière, la situation que j’ai trouvée était celle d’un blocage. Inutile d’en chercher la responsabilité, sans doute partagée entre le caractère inapplicable de la loi MURCEF et le manque de concertation dans la recherche d’une situation de sortie. Après en avoir discuté avec les uns et les autres, je me suis rendu compte que chacun était près à descendre du camp dans lequel il s’était retranché, pour trouver une solution acceptable.

La réalité de la loi MURCEF si on la laissait se réappliquer en l’état le 3 février prochain, c’est que les banques devraient envoyer des dizaines de millions de conventions à des clients, qui se retrouveraient, trois mois après, contractualisés sans le savoir, et sans avoir discuté le contenu de leur contrat. Personne ne peut le souhaiter.

C’est la raison pour laquelle je vous propose de modifier le dispositif législatif en suivant trois principes simples :

   - le principe du contrat est essentiel : l'objectif doit être d'offrir à tous les clients la possibilité de contractualiser avec sa banque. Cela va déjà de soi pour les nouveaux clients. Un effort doit être fait pour mobiliser les clients actuels. Les banques proposeront très régulièrement une convention à leurs clients, à l'occasion des événements importants affectant la vie du compte : déménagement, changement d'agence.... De surcroît, la loi prévoira une information annuelle. Ainsi, l'année prochaine tous les clients n'ayant pas signé de convention de compte recevront une lettre de leur banquier sur ce sujet.    - le principe de la liberté contractuelle est tout aussi important : imposer à tous de contractualiser avec un recours massif à un mécanisme d'approbation tacite n'est pas une bonne méthode. Le contrat doit être discuté, négocié et formalisé par une signature. Il ne faut pas être lié sans avoir pesé le pour et le contre. Et il doit y avoir une garantie de qualité des conventions. A cet égard, j'ai demandé à la commission des clauses abusives d'accélérer ses travaux et je souhaite que le Comité de la Médiation Bancaire se saisisse des conclusions de son rapport, qui devrait être connu à la fin du mois de mars.    - le principe de la proportionnalité de sanctions : il faut en finir avec la pénalisation des relations commerciales. Je suis frappé par le fait que toutes les associations reconnaissent que les sanctions actuelles – amende pénale de 15 000 € par convention ! – sont inadaptées, rejoignant ainsi la demande des professionnels. Le dispositif proposé retiendra des sanctions de nature fiscale. Tout cela va dans le sens de la modernisation des relations entre les banques et leurs clients.

Je proposerai donc au parlement en loi de finances un amendement qui permettra sur le fondement de ces principes de repartir sur des bases assainies. L’arrêté précisant les principales stipulations des conventions comptes sera publié.

On m’avait présenté le dossier comme inextricable, un véritable « piège ». Je crois qu’avec la bonne volonté de tous, nous parvenons à une solution raisonnable, de bon sens.

2) Deuxième chapitre, l’amélioration de la concurrence. Il faut reconnaître que changer de banque ne sera jamais une simple formalité, et qu’en France, les banques se font davantage concurrence sur le crédit que sur les services de détail. Mais je souhaite introduire plus de transparence et de fluidité dans le système.

Pour cela, je vous propose des mesures très simples et très précises.

   - d’abord, mettre en place une « référence » sur l’évolution générale des tarifs mieux acceptée. Jean-Michel Charpin nous présentera tout à l’heure le nouveau panier de l’indice des services financiers, qui entrera en vigueur dès le 1er janvier prochain. Ce n’est pas anecdotique, puisque cet indice entre dans la composition de l’indice général des prix.
   - Deuxième axe de progrès, la transparence tarifaire. Cela commence par des choses toutes simples, comme la disponibilité effective des plaquettes tarifaires dans les agences. Ainsi les clients potentiels, les journalistes et les associations de consommateurs désireux d’établir des comparaisons pourront trouver facilement les tarifs, qui seront aussi disponibles sur les sites internet. La DGCCRF sera parallèlement habilitée, ce qui n’est pas le cas à cause d’incongruités juridiques, à vérifier le respect des obligations en matière d’affichage.
   - Troisième piste, toujours dans le concret : pouvoir repérer et comprendre les frais, pour mieux les discuter et les comparer. Les banques et La Poste se sont engagées à utiliser une signalétique particulière dans les relevés de compte, un pictogramme « frais ». Parallèlement, les services bancaires et les frais qui leur sont rattachés feront l’objet d’un « glossaire », associant une terminologie et une définition, que les banques utiliseront pour leur offre commerciale, dans la présentation des tarifs et dans les relevés. Quinze termes ont d’ores et déjà commencé à être étudiés dans le cadre d’un groupe de travail de votre comité, et pourront être harmonisés très rapidement. Cette nomenclature sera étendue aux autres frais bancaires pour être utilisables dans la présentation des tarifs 2006.

Ainsi, non seulement on pourra trouver les tarifs dans son agence ou sur internet, mais on pourra aussi mieux les repérer sur son relevé et les comparer d’une banque à l’autre.

S’agissant de l’idée d’un « récapitulatif » mensuel des frais bancaires, elle a des enjeux importants, qui ne sont pas totalement mesurés. Je souhaite confier au CCSF une étude sur l’intérêt et la faisabilité d’un tel service à la demande des clients, qui pourrait finalisée sous six mois.

Quatrième condition d’une saine concurrence : faciliter la mobilité des clients. Cette mobilité sera assurée par la gratuité des frais de clôture de tous les comptes courants à vue et comptes sur livrets. En outre, les établissements fourniront gratuitement, d’ici six mois, un « guide de la mobilité » expliquant au client les formalités à accomplir, les précautions à prendre et lui fournissant des lettres-type. Si on est réaliste, on peut s’attendre à ce que ce soit les établissements d’accueil qui soient incités à diffuser ces guides. Mais une fois conçus, ils devraient facilement se diffuser… L’établissement teneur de compte s’engage, de son côté, à être fair-play : c’est-à-dire à fournir à la demande du client qui souhaite le quitter, rapidement et à un prix raisonnable, la liste des opérations automatiques et récurrentes exécutées sur le compte.

3) Voilà donc un certain nombre de mesures pratiques, pas forcément spectaculaire mais chacune répondant à un besoin ou à une critique, qui vont faciliter la mise en concurrence et la négociation tarifaire, en un mot revivifier la relation contractuelle. Mais cet exercice ne serait pas complet si on ne s’intéressait pas aussi à ceux qui ont moins de pouvoir de négociation en raison de leur situation financière.

La première piste de travail, que tout le monde partage, c’est de faire mieux comprendre la procédure du droit au compte, qui permet à chaque Français d’ouvrir un compte bancaire. La procédure existe et son utilisation n’est pas ridicule : 12 000 personnes par an, soit environ 55 000 bénéficiaires à ce jour. Mais elle n’est probablement pas à la hauteur des enjeux. La fédération bancaire française s’est engagée à mener une grande campagne d’information, et le ministère des Finances fera de même, en ciblant particulièrement les institutions qui sont susceptibles d’orienter les personnes concernées, qui ne sont pas toujours les mieux informées, vers cette procédure. Il y a aussi des engagements pratiques, tels que la mise à disposition, dans les agences bancaires, d’une lettre de refus-type, qui indique en même temps la marche à suivre. Et, puisqu’il faut le préciser, qui soit gratuite.

Mais dans un pays où le taux de bancarisation est exceptionnel (plus de 98%), le problème n’est pas seulement là. Je vous l’avais dit lors de notre précédente réunion, en toute franchise : je ne considère pas que les banques sont un service public et je ne suis pas très favorable à l’idée de mettre en place une nouvelle prestation sociale pour prendre en charge des tarifs bancaires.

C’est la raison pour laquelle j’ai plutôt cherché à m’assurer que les banques s’engagent à ce que les comptes soient dotés des fonctionnalités indispensables, pour un coût raisonnable.

   - tout le monde doit avoir au moins un moyen d’accès gratuit à son argent liquide : pour les personnes disposant d'une carte bancaire le retrait d’argent reste gratuit aux distributeurs automatiques de l’établissement teneur du compte. Pour ceux qui n'ont pas de carte bancaire, j’ai demandé aux banques un engagement solennel que les clients trouveront toujours un moyen de retirer gratuitement leurs espèces. Une aide spécifique pour les publics fragiles (personnes âgées, handicapées…) sera organisée pour l'utilisation au distributeur de leur agence.    - tout le monde doit avoir accès à des moyens de paiement adaptés : dans un horizon de 6 mois, lorsqu'une banque ne met pas à disposition de son client un chéquier associé, elle devra lui proposer une « gamme » de moyens de paiement adaptés associant carte de paiement à autorisation systématique ainsi qu’un certain nombre de virements et des prélèvements. Cette offre fera l'objet d'un tarif forfaitaire mensuel à prix modéré – on peut penser à 3€ par mois par exemple. Un bilan de cette expérimentation sera fait au bout de 18 mois.    - En parallèle, l'ensemble des acteurs du secteur public devra se mettre en mesure d'accepter ces moyens de paiements alternatifs le plus rapidement possible. La Direction Générale de la Comptabilité Publique apportera son appui aux collectivités locales qui sont souvent décisionnaires en la matière, pour faciliter l’acceptation de ces moyens de paiement au plus près de l’usager dans les régies (cantines, crèches, …). A cet effet, une expérimentation départementale sera engagée. Elle augmentera aussi son propre équipement en terminaux électroniques de paiement.

4) Avec ces mesures, un premier geste important est effectué en direction de ceux qui se trouvent dans une situation difficile. Je souhaitais également trouver un équilibre dans la tarification des incidents de paiement, qui frappe souvent de manière disproportionnée les clients en difficulté.

Entendons-nous bien : il n’est pas question de créer un droit à l’incident. La prolifération des chèques sans provision est une plaie et c’est le rôle des pouvoirs publics que de les décourager. Les pénalités libératoires seront donc maintenues. Par ailleurs, ces incidents de paiement coûtent cher au système bancaire et il est normal que ces coûts soient pris en compte. Mais il faut aussi éviter que cette tarification « n’enfonce » les gens dans une situation sans issue. ce que je vous propose, c’est de laisser aux personnes de bonne foi le temps et la capacité de régulariser leur situation.

Pour cela il faut plusieurs avancées : – désormais, les banques préviendront à l’avance, non seulement de la survenance de l’incident, mais aussi des frais qu’il entraîne et de la date de leur prélèvement ; – deuxièmement, il faut éviter la disproportion entre l’incident et la cascade de frais qu’il entraîne. Pour cela, chaque banque mettra en place un forfait qui comprendra, une bonne fois pour toute, l’ensemble des facturations d’incidents et de régularisation. Un forfait moins élevé pourra d’ailleurs être prévu pour les clients qui régularisent dans les délais.

Ainsi, le client connaît à l’avance le moyen de régulariser sa situation, et on met un terme à une certaine prolifération des frais sur les incidents, que les débiteurs n’arrivaient pas à anticiper et donc à couvrir. Le forfait incitera les banques à la modération tarifaire.

Vous le voyez, des mesures concrètes et rapides sont mises en œuvres. En à peine un mois, ce sont des résultats concrets. Chacun a son support et son calendrier.

Mais bien évidemment, tout ne peut pas être fait en trois semaines. Nous avons identifié les problèmes, nous avons tracé les pistes. Certaines solutions doivent être précisées, travaillées, affinées. Je pense en particulier aux questions de lisibilité et d’harmonisation des opérations et des frais bancaires, qui prennent du temps. Je pense aussi au récapitulatif des frais qui doit être mis au point de façon précise pour être opérationnel et répondre aux attentes de chacun.

Je vous encourage à exercer, avec un esprit toujours constructif, votre vigilance sur ce plan d’action et cet engagement. Le CCSF est l’enceinte toute désignée pour poursuivre la discussion et suivre l’application des engagements pris.

J’espère avoir contribué à relancer aujourd’hui des bases saines et durables d’un dialogue entre les banques et les représentants de leur clientèle peuvent aujourd’hui repartir sur des bases saines dans la concertation et la confiance.