Remise du rapport de la commission


Intervention de M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie

Remise du rapport de la commission présidée par M. Guy Canivet, Premier président de la Cour de cassation – 18 octobre 2004

Monsieur le Premier président, Cher Christian, Monsieur le député, Mesdames et messieurs, chers amis,


1. Permettez-moi d’abord, M. le Premier Président, de vous adresser tous mes remerciements pour le travail de réflexion et de propositions que vous avez bien voulu conduire au sujet des prix dans la grande distribution. Vous avez respecté les délais très courts dans lesquels les signataires de l’accord du 17 juin avaient inscrit votre mission et je vous en sais particulièrement gré. Mes remerciements s’étendent naturellement à tous les membres de la commission, à son rapporteur général, M. Laurent Vallée, et aux deux rapporteurs du Conseil de la concurrence. Je voudrais également remercier particulièrement M. Rémi Toussain, qui a accepté de se pencher plus spécifiquement, et dans des délais encore plus courts, sur la question des produits agricoles.

2. Ces remerciements, M. le Premier Président, ne sont pas seulement formels. Je suis en effet reconnaissant au plus haut magistrat de France et aux experts éminents qui ont composé la commission d’avoir accepté de se pencher sur un sujet, en apparence technique, mais néanmoins essentiel pour notre économie et la vie quotidienne de nos concitoyens. Depuis six mois, et plus encore depuis la baisse des prix de septembre, la question des prix des biens de grande consommation est devenue un sujet central dans le débat public. Les dirigeants d’Auchan peuvent témoigner avec moi de l’intérêt intense manifesté par les consommateurs lors de ma visite d’un hypermarché de la région lilloise dans le courant du mois de septembre.

Cet intérêt n’a rien qui doive surprendre. Cela fait bien longtemps, en effet, que la question des prix des biens de consommation courante est un sujet de préoccupation pour les Français. Les associations de consommateurs, qui sont présentes parmi nous aujourd’hui, l’ont dit à plusieurs reprises. C’est un fait qu’elles n’ont pas toujours été suffisamment écoutées.

Il faut être aveugle pour ne pas voir que, depuis deux ou trois ans, les Français ont profondément modifié leurs comportements en matière de consommation. Les Français ne comprennent plus rien aux prix, parce qu’il a fallu inventer de nouveaux instruments promotionnels pour contourner la législation. Et les Français pensent qu’ils ont été victimes de la complexité de la loi puisque celle-ci a fait augmenter les prix.

Le résultat est là :

   * premièrement, la consommation est atone dans les grandes et les moyennes surfaces ;
   * deuxièmement, le hard discount progresse de manière exponentielle et fait concurrence tout autant, sinon plus, au commerce de proximité qu’à la grande distribution, parce que les maxidiscounters sont installés dans les centres-villes. Tout ceci est parfaitement bien expliqué dans votre rapport, M. le Premier Président ;
   * troisièmement, les Français, même les plus aisés, délaissent les produits de marques pour les marques de distributeurs. Cela n’est bien sûr pas favorable aux grands groupes. Cela n’est pas forcément favorable aux PME, qui veulent à bon droit avoir leurs marques et ne pas être seulement les fournisseurs de produits sous marques de distributeurs. Enfin, cela n’est pas favorable à la filière des produits de grande consommation dans son ensemble car ce sont les marques qui sont les moteurs de l’innovation et de la croissance.

L’un des mérites de notre accord du 17 juin, de la baisse des prix de septembre et des travaux de votre commission, c’est qu’il y a au moins une chose que personne ne conteste plus : la situation ne peut pas rester en l’état. Le premier Ministre lui-même a fait de la baisse des prix une priorité de son action pour les mois à venir.

3. Dans le cadre de mes fonctions de ministre de l’économie et des finances, j’ai engagé une politique de soutien de la croissance par la consommation et l’investissement.

A défaut de marges de manœuvres budgétaires et fiscales, et en l’absence d’outils de régulation monétaire, j’ai pris un certain nombre de mesures concrètes permettant de redonner du dynamisme à la consommation. Certains doutaient de leur utilité ou de leur efficacité, pour ne pas dire autre chose. La réalité, c’est que ces mesures connaissent un succès considérable. En matière de crédit à la consommation, l’encours de crédits nouveaux, depuis juin dernier, est supérieur de 900 Millions d’€ par rapport à la même période en 2003. Plus de 130 000 donations ont d’ores et déjà été effectuées, permettant la mobilisation de 2,2 Mds d’€. Quant au déblocage de l’épargne salariale, les résultats sont tout simplement spectaculaires avec plus de 360 000 déblocages en septembre et 1,2 Mds d’€ réinjectés dans le circuit économique.

Les chiffres sont là pour le prouver : il y a, dans notre pays, une forte envie de consommation, dont la concrétisation se heurte à la crainte de l’avenir, à la stagnation du pouvoir d’achat, à la méfiance des consommateurs dans les prix et aux différents blocages de l’économie française.

Si j’ai souhaité mener une action résolue contre la spirale inflationniste dans le secteur des biens de consommation courante, ce n’est pas pour le plaisir de faire baisser les prix. C’est parce que cette action forme un ensemble cohérent avec la politique globale de soutien à la consommation que j’ai entreprise.

L’accord du 17 juin a permis d’enregistrer des premiers résultats concrets :

   * pour la première fois depuis de nombreuses années, l’indice des prix des produits de grande consommation mesuré par l’INSEE est en baisse pour le mois de septembre, dans des proportions qui ne seront connues avec exactitude que d’ici la fin du mois d’octobre. Cet indice porte sur un ensemble de produits beaucoup plus vaste que celui visé par l’accord du 17 juin, puisqu’il comporte tous les produits, y compris les marques de distributeurs, les premiers prix, ainsi que des produits exclus de l’accord de juin tels que la viande. Il montre qu’un mouvement de baisse des prix a été engagé ;
   * l’observatoire paritaire mis en place par les industriels et les distributeurs a pour sa part indiqué que le prix de 18 000 produits de marques de fabricants avait déjà baissé de 1,26% en moyenne pondérée au 12 septembre dernier ;
   * enfin, les prix de 2 500 à 5 800 produits de marques parmi les plus vendus dans la grande distribution, ont baissé de 3,7 à 6,9%, le nombre de produits en baisse et le pourcentage de la baisse étant différents selon les enseignes.

Cet effort n’aurait toutefois aucun sens s’il n’était conforté dans la durée. C’est ce qui m’a conduit à confier au plus haut magistrat de France, et au surplus l’un des meilleurs connaisseurs du droit de la concurrence, une mission de réflexion sur la législation.

4. De votre rapport, M. le Premier Président, j’ai retenu quatre idées fortes, et c’est autour de ces idées que j’entends définir des objectifs et bâtir une méthode pour redonner du dynamisme et de la croissance à l’ensemble du secteur.

4.1. Première idée : la loi Galland de 1996, complétée par la loi de 2001 sur les nouvelles régulations économiques, a permis des améliorations réelles dans la relation entre les fournisseurs et les distributeurs .

En clarifiant les règles d’élaboration des factures, en empêchant toute contestation sur le calcul du seuil de revente à perte et en supprimant le droit d’alignement, la loi de 1996 a rendu effective l’interdiction de revente à perte. Elle a apaisé les négociations entre les industriels et leurs clients et elle a empêché les mouvements de déstabilisation que génère, sur les marchés, la pratique de prix d’appel abusivement bas.

Même si la commission a envisagé cette hypothèse, par analogie notamment avec le droit anglo-saxon, j’ai noté, M. le Premier Président, que vous ne recommandiez pas de supprimer ces acquis de la loi Galland, en particulier l’interdiction de la revente à perte. J’estime pour ma part qu’il est nécessaire de conserver ces acquis. Je considère en particulier qu’il est légitime et souhaitable, pour les intérêts de la société dans son ensemble, de protéger le commerce de proximité contre les risques de pratiques prédatrices. Il est évident qu’un commerçant de proximité, dont la gamme de produits est réduite et spécialisée, ne peut pas se battre à armes égales avec la grande distribution si celle-ci est autorisée à avoir des prix très bas sur certains produits d’appel.

Non seulement je souhaite que l’on conserve ces acquis dans la relation entre les parties et l’équilibre des différentes formes de commerce, mais je suis d’avis qu’il faut même les conforter. Je partage à cet égard le diagnostic selon lequel la dérive des marges arrière provient, pour partie, de la négligence des pouvoirs en place dans le contrôle et la sanction de la coopération commerciale abusive.

M. le Premier Président, la commission de réflexion que vous avez présidée a formulé sur ce point un certain nombre de recommandations, en particulier s’agissant du fonctionnement des juridictions et de l’amélioration des définitions légales permettant de réprimer les abus. Toutes seront analysées en détail.

Vous suggérez que la coopération commerciale fasse l’objet d’une définition légale et que la charge de la preuve de la réalité des services rendus soit inversée. Il s’agit de deux propositions déterminantes que je fais miennes dès à présent. La DGCCRF élaborera, pour sa part, un certain nombre de recommandations en matière de coopération commerciale, comme cela a existé dans le passé. Ces recommandations comporteront l’indication, le cas échéant secteur par secteur, de seuils acceptables de coopération commerciale, qui serviront de références aux contrôles. Dans le même esprit, je proposerai que des règles soient instituées dans le domaine des nouveaux instruments promotionnels (NIP).

J’ai également demandé au nouveau directeur général de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, M. Guillaume Cerutti, de me proposer une réforme des modes de contrôle de la grande distribution par les agents de sa direction.

Enfin, dans votre travail d’analyse de la question des prix, vous n’avez pu manquer de souligner, M. le Premier Président, le rôle joué par le caractère très concentré de la grande distribution. Vous estimez nécessaire de donner à l’administration les moyens de mieux contrôler les opérations de rachat des magasins, lorsqu’elles sont susceptibles d’aboutir à la constitution d’une position dominante locale. Cette proposition retient toute mon attention. Par ailleurs, dans le respect du droit de la concurrence, je souhaite prendre toutes les dispositions nécessaires pour que la concentration des centrales d’achat ne s’aggrave pas.

4.2 . Deuxième idée, qui conforte d’ailleurs les stipulations de l’accord du 17 juin : les produits bruts agricoles non marketés, en particulier les fruits et les légumes, obéissent à des mécanismes particuliers de fixation des prix et doivent bénéficier de règles spécifiques .

A cet effet, la commission rappelle l’importance de la démarche contractuelle et formule un certain nombre de suggestions : je les retiendrai toutes, en invitant, comme je l’ai fait tout au long de l’été, les représentants des exploitants agricoles à poursuivre, avec l’aide de l’Etat, le partenariat engagé en juin avec la grande distribution.

Pour les produits agricoles bruts, dont la liste sera fixée par un texte législatif ou réglementaire, les remises, rabais et ristournes seront interdits, sauf en cas d’accord interprofessionnel. Les interprofessions auront la possibilité d’élaborer des contrats-types entre producteurs et distributeurs qui préciseront, notamment, dans quelle mesure chaque contrat doit porter ou non sur des quantités, des prix, voire un prix minimum plancher. L’Etat pourra rendre obligatoire ces contrats-types.

Tout en écartant la solution des coefficients multiplicateurs, contraire au droit communautaire dans sa rédaction actuelle, le rapport estime souhaitable de pérenniser l’accord sur le plafonnement des marges en cas de crise, ce que je reçois comme un compliment puisque ce mécanisme a été créé pour la première fois dans notre pays par l’accord du 17 juin. Il est toutefois suggéré de le rendre plus efficace, en précisant mieux la notion de crise, la manière dont elle est constatée et les modalités pratiques de mise en œuvre du plafonnement. Une meilleure définition de la notion de crise, au regard notamment des prix de revient à la production, permettrait d’appliquer l’article 54 de la loi du 1er août 2003 sur l’initiative économique qui réprime la pratique de prix de première cession abusivement bas en cas de crise conjoncturelle.

Le rapport suggère enfin d’approfondir la réflexion sur les prix après-vente, d’encourager le regroupement des producteurs et d’engager une réflexion auprès des autorités communautaires sur la question de la régulation des crises dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune. Toutes ces pistes seront prospectées. Je signale que j’ai d’ores et déjà écrit au nouveau Président de la Commission européenne, M. Barroso, pour lui signaler la gravité des difficultés rencontrées dans la gestion des crises.

4.3. Troisième idée : l’amélioration des relations entre les fournisseurs et les distributeurs et la préservation d’un équilibre entre les différentes formes de commerce ne doivent pas se faire aux dépens du consommateur, comme c’est le cas actuellement. Parce que le résultat, c’est que le consommateur change ses habitudes de consommation et que tout le monde est perdant.

Mieux contrôler la coopération commerciale est certainement une nécessité. Elle ne saurait toutefois suffire : si l’on veut briser la spirale inflationniste actuelle, il faut non seulement agir contre les marges arrière, mais il faut également mettre un terme à l’augmentation excessive des tarifs de certains industriels. Celle-ci est rendue possible par le dispositif législatif actuel qui donne aux seuls industriels le pouvoir de fixer les prix de vente consommateurs de leurs produits. Il s’agit là de l’autre cause de la dérive inflationniste constatée depuis 1997.

A cet effet, vous recommandez, M. le Premier Président, de permettre aux distributeurs de réintégrer les marges arrière dans le calcul du seuil de revente à perte, c’est-à-dire en réalité d’autoriser les enseignes à tirer parti, dans leur politique de prix, du résultat des négociations qu’elles mènent avec les industriels sur le seul point qui reste en négociation : la coopération commerciale.

Cette réforme est nécessaire. Donner aux industriels la possibilité de maîtriser totalement le prix de vente de leurs produits revient à interdire aux distributeurs de se faire de la concurrence. Aucun acteur de l’économie de marché, aucun agriculteur, aucun industriel, aucun commerçant indépendant, n’accepterait qu’on lui interdise de faire concurrence à son voisin. Pourquoi faut-il interdire aux distributeurs de se faire entre eux de la concurrence ?

Plusieurs techniques sont possibles pour réintroduire de la concurrence entre les distributeurs. Toutes sont compatibles avec le maintien de l’interdiction de vente à perte et son effectivité. Visiblement, la commission exprime une préférence pour la solution du « triple net », qui permet aux distributeurs de réintégrer toute la marge arrière dans le calcul du seuil de revente à perte. C’est également la solution qui, dans l’absolu, a ma préférence, car c’est celle qui offre la règle du jeu la plus claire et la plus lisible.

Une autre solution pourrait consister à ne réintégrer qu’une partie de la marge arrière dans le calcul du seuil de revente à perte. Elle permettrait déjà de rendre de la souplesse à la détermination des prix. Ma crainte est toutefois qu’elle soit à son tour génératrice d’effets pervers.

Ce qui est sûr, c’est que je ne veux pas courir le risque de faire échouer une réforme aussi importante en enfermant le gouvernement dans une option exclusive. Je souhaite donc que chaque scénario soit décliné jusqu’au bout, avec ses avantages et ses inconvénients, afin que le gouvernement soit parfaitement éclairé sur l’endroit où il faut placer le curseur.

4.4 . Dernière idée : la réforme ne doit pas être brutale, mais être accompagnée par un certain nombre d’amortisseurs ou de stabilisateurs.

Le premier stabilisateur, c’est le rythme de la réforme. Il n’est évidemment pas question de passer d’un seul coup du régime actuel à la réintégration intégrale des marges arrière dans les prix : d’une part, parce qu’il convient d’éviter tout risque de déflation brutale dans le secteur des biens de consommation courante, qui serait nuisible à l’emploi ; d’autre part, parce qu’il n’est pas envisageable de déstabiliser soudainement l’ensemble du secteur commercial, en particulier le commerce de proximité.

Plusieurs solutions existent pour converger progressivement vers un dispositif juridique plus concurrentiel et plus favorable à la croissance. Il faut les expertiser et les soumettre à la concertation. L’essentiel, c’est qu’on corrige les défauts du système actuel de manière maîtrisée pour éviter la fragilisation des acteurs les plus sensibles.

Le deuxième stabilisateur, c’est l’engagement d’un travail de réflexion et de concertation sur l’équilibre entre les différentes formes de commerce et la place du commerce indépendant de proximité .

Même s’il faut interdire les comportements prédateurs, et j’ai pris des engagements en ce sens, il est certain que les prix ne peuvent pas être le régulateur de l’équilibre entre les différentes formes de commerce. Ce qui fait la prospérité du commerce indépendant, c’est la proximité, la qualité et le service.

J’ai déjà pris des mesures importantes en faveur du commerce de proximité : d’une part, la loi du 9 août 2004 a permis l’exonération totale des plus-values en cas de mutation à titre onéreux de fonds de commerce ; d’autre part, les crédits du FISAC ont été accrus de 42%. Le marché relatif à la campagne de communication sur le commerce de proximité est en cours d’attribution tandis que les professionnels du secteur procèdent actuellement à la sélection des opérations qui bénéficieront des crédits supplémentaires ainsi dégagés.

Je propose de conforter ces mesures par la définition d’une politique nationale de soutien et de développement du commerce de proximité . Car, actuellement, et à la différence de tous ses partenaires étrangers, notre pays n’a en la matière ni doctrine, ni politique. C’est ce qui explique, par exemple, qu’en 2003, le nombre de supermarchés a diminué, que huit nouveaux hypermarchés ont été créés sur un parc total de 1280 (soit une croissance de 0,6%), et que 144 magasins de hard discount ont vu le jour, soit exactement l’inverse de ce qu’il faut faire.

A cet effet, j’ai souhaité que la loi du 9 août 2004 relative au soutien à l’investissement et à la consommation charge le gouvernement de définir des orientations en matière de développement des activités commerciales. Des questions importantes se posent : comment mieux assurer la complémentarité entre le commerce indépendant et la grande distribution ? quelle place doit-on faire au hard discount ? quel équilibre veut-on promouvoir entre la grande distribution généraliste et la grande distribution spécialisée ? faut-il privilégier les centres-villes ou les périphéries ?

Dans les jours qui viennent , et dans le but de construire ce programme de développement des activités commerciales, j’adresserai donc à tous les acteurs réunis aujourd’hui dans cette salle, et à d’autres, une liste de questions sur lesquelles je vous inviterai à me faire part rapidement de vos propositions.

Un dernier stabilisateur doit enfin concerner les PME . Car les PME sont, à l’égard des distributeurs, dans une situation évidemment différente de celle des grandes marques. Il convient d’en tenir compte.

Je proposerai d’abord que l’on étudie la possibilité d’interdire les accords de gamme pour les grandes marques. En effet, ces accords réduisent le linéaire accessible aux marques de PME.

Je souhaite ensuite que l’on examine dans quelle mesure les relations entre les distributeurs et les PME pourraient être aménagées dans le sens d’une protection renforcée de ces entreprises. Je suis prêt notamment à étudier dans quelle mesure le seuil de revente à perte pourrait être déterminé de manière spécifique pour les PME afin de tenir compte de leur situation d’infériorité dans les négociations avec la grande distribution.

Le projet de loi que je présenterai d’ici quelques semaines comportera des propositions dans le domaine des enchères inversées, qui sont une technique de négociation très rude pour les PME et, au surplus, un instrument puissant de délocalisation. Il s’agira notamment de lutter contre la pratique des « lièvres » et des déréférencements abusifs, et d’obliger les organisateurs à spécifier leurs marchés en termes de quantité et de qualité et à passer commande à l’issue du processus.

Enfin, conformément au point n°5 de l’accord du 17 juin, je proposerai qu’un lien soit établi entre les autorisations d’équipement commercial et l’accès des marques de PME aux linéaires, aux opérations promotionnelles et aux catalogues. Ma conviction est que les PME peuvent et veulent se battre avec les grandes marques dans le cadre des mêmes règles de concurrence. Car elles ont de réelles potentialités dans le domaine de la spécialisation, de l’innovation, de la qualité et des prix. En revanche, dans une économie où, pour des raisons par ailleurs légitimes, le linéaire est une denrée rare, les PME sont à l’évidence désavantagées par rapport aux grandes marques pour obtenir l’exposition et la valorisation commerciale de leurs produits.

Mon idée n’est pas nécessairement d’accorder plus de linéaires aux enseignes qui valorisent les produits de PME et les produits régionaux. Il pourrait s’agir tout aussi bien de discriminer les enseignes qui ne les valorisent pas assez. En revanche, je propose qu’une expérience régionale soit menée pour imaginer de nouveaux modes d’attribution des linéaires qui tiennent compte de la politique des enseignes à l’égard des PME et des produits régionaux.

Pour pouvoir organiser cette expérience dans des conditions crédibles, j’ai mandaté mes services pour mettre en place, dès à présent et dans chaque enseigne, un indicateur de la présence des PME dans les linéaires, les catalogues et les espaces promotionnels des magasins.

Il conviendra également d’affiner la définition de la PME au regard de la problématique ici en cause. A l’évidence, la définition communautaire est trop restrictive, les entreprises concernées se définissant en réalité par rapport aux multinationales. Un critère de chiffres d’affaire réalisé en France avec la grande distribution pourrait servir de référence.

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Mesdames et Messieurs, la qualité du travail réalisé par la commission Canivet est une chance, pour l’ensemble des acteurs ici présents et pour le gouvernement, de procéder à une réforme équilibrée, durable et efficace de la législation relative aux rapports entre l’industrie et le commerce. Le sens n’est pas de supprimer ou de démanteler la loi Galland. Il est de l’améliorer au profit d’une concurrence plus loyale, mais aussi plus libre.

Je vous ai indiqué les premières réactions que m’inspirait ce rapport et les lignes directrices de la réforme que j’ai demandée à mes services de mettre en œuvre.

Je vous invite à me faire part rapidement de l’ensemble de vos observations et souhaite m’en entretenir avec vous dans le cadre d’échanges bilatéraux. J’organiserai ensuite, d’ici deux à trois semaines, une réunion plénière pour vous proposer un projet de loi et en discuter avec vous.

Je vous remercie de votre attention.