Sarkozy à Roanne


Intervention de M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie

Roanne – Jeudi 8 septembre 2004

Messieurs les parlementaires, Mesdames et Messieurs les élus, Mesdames, Messieurs, Chers amis,

Je me réjouis d’être aujourd’hui parmi vous , à Roanne, à l’invitation de mon ami Yves Nicolin.Yves, ton énergie inlassable n’est pas étrangère à cette visite. Je veux saluer ton action, tes initiatives, nous avons tellement besoin d’agir et de faire pour changer la vie des Français.

J’ai visité tout à l’heure deux entreprises, j’ai parlé longuement avec les dirigeants et les salariés. À quelle situation sommes nous confrontés ? Quelle est la réalité de ce pays de Roanne ? C’est celui d’une tradition industrielle forte, sa force et sa fierté, mais aussi ses faiblesses dans un monde qui change sans cesse.

Roanne est « un fleuron industriel ». C’est avant tout une capitale du textile, qui représente 47 % de l’emploi du bassin roannais . Mais cet outil industriel, spécialisé dans la maille et le tissage, est évidemment menacé par les délocalisations. Le textile perd ici 3 % d’emplois chaque année.

Roanne, c’est aussi l’arsenal , avec un site de GIAT industrie qui assemble les chars Leclerc. Là encore, les menaces viennent de l’extérieur, avec le plan de restructuration du constructeur.

La fabrication de pneus haut de gamme avec Michelin, la mécanique – les grues Potain par exemple – l’agro alimentaire – avec les plats tout préparés : Valentin traiteur par exemple –, apportent un peu d’équilibre à une région très concentrée sur ses traditions. Mais cet équilibre relatif ne suffira pas, sans une politique volontariste, à résoudre les difficultés du Roannais.

Le rôle de l’État est d’intervenir , pour la simple raison qu’il est de son devoir de protéger l’économie et les emplois. Il ne s’agit pas seulement d’aider à soutenir des secteurs en difficulté passagère. Il s’agit d’aider des solutions à émerger, et des solutions qui ne soient pas éphémères.

C’est évidemment une question de politique économique générale. Deux exemples.

Vous savez que je mène une politique résolue de lutte contre les produits de contrefaçon. La contrefaçon est devenue une vraie menace pour notre économie. Nous ne devons pas nous y résigner comme à un mal nécessaire. J’ai lancé au mois de juin un plan d’action contre la contrefaçon, avec des objectifs : saisir 15 % de plus de marchandises en 2004, avec de nouveaux instruments de prévention : la création d’un réseau d’experts couvrant 75 pays, l’engagement de discussions bilatérales, et aussi de répression, la création d’un fichier d’authentification des produits, la réactivation d’une politique pénale et la proposition d’une initiative communautaire.

Les objectifs sont suivis, mesurés. Le résultat c’est qu’en deux mois, nous avons triplé le nombre de produits saisis (420 000) par rapport à la même période de l’an dernier.

Je considère aussi que les délocalisations ne sont pas un mal nécessaire. Les déménagements purs et simples d’activités pour des raisons de différences de coûts, traumatisent des régions tels que la vôtre, détruisent des savoir faire exceptionnels. Les délocalisations sont-elles vraiment toutes inéluctables ? Je ne le crois pas. C’est pourquoi des allégements d’impôts figureront dans la loi de finances afin de permettre aux chefs d’entreprises de se poser autrement la question d’une éventuelle délocalisation, et même pour favoriser le retour en France de certaines activités qui ont migré à l’étranger.

Cette politique doit être menée au plan national. Elle doit être prolongée au niveau local

Le rôle de l’État c’est aussi de tenir compte des situations de régions comme la vôtre, confrontées à des difficultés bien particulières, et de trouver des solutions au cas par cas, sur le terrain. Souvent les difficultés économiques se ressemblent d’une région à l’autre. Mais la tradition, les atouts, les hommes, ne sont jamais les mêmes.

Il nous faut nous appuyer sur les atouts de la région roannaise, et sur sa personnalité

   * La région roannaise, région de tradition textile bien ancrée, peut légitimement avoir l’ambition de devenir un pôle de compétitivité national pour cette industrie, sans doute d’ailleurs en liaison avec les autres bassins d’emploi de la région Rhône-Alpes qui ont une activité forte dans le secteur textile.    * La mobilisation que je constate autour de cette volonté est d’autant plus impérative que le contexte du textile est menaçant : les accords OMC (accords multifibres) impliquent l’ouverture de nos frontières aux produits chinois au 1er janvier 2005, et, malgré la vigilance dont nous ferons preuve en matière de concurrence internationale, cette date devrait être difficile à vivre pour les entreprises du secteur.    * Ce n’est qu’en se rassemblant et en coopérant autour de projets innovants que les professions traditionnelles pourront faire face efficacement aux échéances à venir.    * Un appel à projets national sera prochainement lancé pour définir les pôles de compétitivité qui seront retenus. Deux critères seront essentiels :          o Le niveau de coopération, des entreprises entre elles bien sûr, mais aussi avec les centres de recherche et les centres de formation. Ce que nous voulons, c’est ancrer encore plus l’industrie dans son territoire.          o L’innovation des projets proposés, qui devront réellement revêtir une ampleur nationale, voire internationale. L’ambition des pôles n’est pas défensive, elle est de faire émerger des centres d’excellence capables d’être reconnus à l’extérieur de notre pays et d’affronter la concurrence mondiale.    * Je sais que vous avez commencé, avec beaucoup d’énergie, à vous mobiliser autour du futur appel à projets. Il faut que vous passiez à la vitesse supérieure, et que vous vous mobilisiez autour des deux dimensions que je viens de citer, celle de la coopération et celle de l’innovation.    * La volonté est là, il faut maintenant donner davantage de contenu à votre candidature.    * Je suis prêt à vous aider à cela, à condition que les acteurs économiques soient au rendez-vous.
Concrètement :
   * L’association MUTEX , qui rassemble les professionnels autour de projets communs, notamment en matière de formation des salariés, peut constituer la colonne vertébrale de votre pôle. L’État est prêt à financer son développement, à hauteur de 1,5 million d’euros, pour peu que les industriels se mobilisent (y compris financièrement) à ses côtés.
   * Je sais aussi que les élus de Roanne souhaitent que l’État les accompagne pour constituer une « mission territoriale d’ingéniérie roannaise » qui devra définir et faire émerger un projet de renouveau industriel pour votre région. L’État sera au rendez-vous de ce projet, sous deux formes :          o Financière, à hauteur de 500 000 euros          o Technique, car j’ai décidé de confier à l’inspection générale de l’industrie et du commerce une mission pour étudier les potentialités de Roanne et apporter son appui à la constitution de la mission territoriale.
   * L’État accompagnera les industriels à chaque fois qu’ils se mettront en commun pour partager un équipement ou un investissement immatériel, acquérir une compétence nouvelle. Ce sera en particulier le cas pour :          o Favoriser la diffusion de la technique du « tricotage intégral », dans laquelle la France est en retard sur l’Italie : l’État apportera 290 000 euros          o Mener une étude sur un possible label « marque du Roannais » : l’État apportera 50 000 euros          o Créer une plate-forme commune sur la qualité, qui permettra d’assurer un contrôle plus efficace des matière premières achetées et d’éviter les mauvaises surprises : l’État apportera 50 000 euros          o Pérenniser le centre national du numérique et de l’innovation textile habillement, que l’État a fortement contribué à lancer, et qui permet au Roannais d’être en pointe sur ce nouvel outil que constitue la création informatique 3D : 800 000 euros sont prévus qui seront mis en place en fonction d’une évaluation
   * Enfin, je dégage 1 million d’euros supplémentaire pour un soutien exceptionnel à l’investissement des entreprises textiles roannaises. Ils permettront de soutenir en 2005 les projets les plus intéressants et les plus porteurs d’avenir.

En résumé :

         o Le textile roannais est réseau de compétences prometteur. Pour devenir pôle de compétitivité, il doit muscler sa dimension coopérative et son contenu en innovation.          o L’État est décidé à accompagner ce pas supplémentaire que les industriels et les élus se disent prêts à franchir, à aider Roanne à devenir pôle de compétitivité textile.          o Des financements seront dégagés, jusqu’à hauteur de 4,2 millions d’euros au total, pour soutenir les projets du textile à Roanne, à condition que les acteurs économiques se mobilisent pour les faire émerger.          o Une mission de l’inspection générale de l’industrie et du commerce est engagée pour accompagner l’ensemble de cette démarche. Et j’ajoute naturellement que mes services sont à votre disposition : Les industriels du textile pourraient rencontrer le directeur général des Douanes sur la « lutte contre la contrefaçon », le directeur du Trésor, le directeur général des Impôts et la direction de la Comptabilité publique pour le traitement spécifique des dettes fournisseurs des sous-traitants, le crédit impôt recherche… le président de l’ANVAR sur les aides à l’innovation.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous proposer pour l’avenir du pays roannais, un projet qui devra tous nous mobiliser et pour lequel l’État s’engage résolument. Je vous remercie.