Trophées Latitude Export


Intervention de M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie

Trophées Latitude Export – Bercy Mercredi 30 juin 2004

Messieurs les Parlementaires, Messieurs les Ambassadeurs, Mesdames et messieurs,

Je suis particulièrement heureux de vous accueillir aujourd’hui à Bercy, avec François Loos, car la manifestation qui nous réunit célèbre une réalité doublement positive : le récent élargissement de l’Europe et les opportunités qu’elle offre aux entreprises françaises.

Les Echos et Le Moci dont je salue la présence ici, ont travaillé pour identifier nos PME les plus actives dans les pays de l’élargissement. Je suis heureux que les entreprises qui seront récompensées soient avec nous aujourd’hui car ce sont des exemples pour notre pays. Je salue aussi la présence des jeunes Volontaires Internationaux en Entreprises (VIE) qui démontre la forte volonté d’internationalisation qui anime notre jeunesse.

Cette réunion est aussi pour moi l’occasion de vous indiquer les actions que nous comptons engager pour donner une place prioritaire au commerce extérieur dans notre politique économique.

I – La France joue « gagnant » dans la compétition internationale, mais elle doit encore mieux faire.

Je tiens à vous faire part de ma conviction : le dynamisme du commerce extérieur est un enjeu majeur pour l’économie française:

   - parce que le développement de nos échanges extérieurs permet d’importer de la croissance en bénéficiant de l’expansion économique des pays en phase de « rattrapage », et qui voient leur niveaux de vie et leurs besoin d’équipement croître plus rapidement que ceux des pays plus développés ;
   - Un enjeu majeur également en termes de « confiance », car nos performances à l’exportation démontrent aux Français que la mondialisation n’est pas la catastrophe que certaines Cassandre décrivent mais qu’elle peut être une formule gagnant/ gagnant pour tout le monde, y compris en termes d’emploi pour les Français : un milliard d’exportations supplémentaire, cela représente quinze mille nouveaux emplois en France ;

Or, j’ai la conviction que les Français mesurent mal les atouts dont nous disposons dans la compétition mondiale. C’est en partie de la faute de l’Etat, car le commerce extérieur a cessé d’être la priorité politique qu’il était autrefois, notamment après les chocs pétroliers, lorsque nous connaissions un déficit structurel de nos échanges. Cet état d’esprit doit être modifié car il accrédite des idées fausses et participe de la morosité ambiante.

Il faut d’abord rétablir la vérité : si les performances récentes de notre commerce extérieur, en 2002 et 2003, ont pu être jugées décevantes, elles doivent être relativisés: la part de marché de la France dans le monde est restée stable à 5,1%, ce qui nous place au cinquième rang mondial et au second de l’UE, après l’Allemagne. Je n’y vois pas matière à complexes !

En outre, les principales causes du « trou d’air » des deux ans passés sont connues : fragilité de la demande extérieure, notamment celle de nos partenaires européens ; déprime persistante de secteurs forts de notre commerce extérieur, en particulier les industries des biens d’équipement ; enfin, appréciation forte de l’euro.

Aujourd’hui, j’ai la certitude que le « pire » est derrière nous. Le rebond attendu de la croissance et, par voie de conséquence, du commerce mondial (de l’ordre de 7% en 2004) contribue à la reprise de nos exportations. C’est déjà le cas puisque nos ventes ont augmenté au cours des 4 premiers mois de l’année de près de 3% par rapport à la même période de 2003.

Au-delà de la conjoncture, nos atouts sont bien réels : un excédent récurrent de notre commerce extérieur, désormais structurel ; une spécialisation sur des secteurs majoritairement porteurs (55% de nos ventes portent sur des secteurs en croissance dans le commerce mondial, moins de 20% sur des secteurs en régression) ; une compétitivité/ prix structurelle, que n’a entamée que marginalement l’appréciation de l’euro ; enfin un acquis considérable sur les aspects « hors prix » – comme la notoriété, la qualité et le design, qui nous immunise en partie contre les fluctuations du change.

Ces atouts ne doivent toutefois pas occulter les défis qui restent à relever. J’en vois deux en particulier. D’abord la nécessité de renforcer nos positions dans les secteurs de haute technologie, à forte valeur ajoutée, qui seront garants à la fois de compétitivité commerciale et de croissance économique. Ensuite un renforcement de la présence de nos entreprises sur les « nouveaux marchés » où nos performances globales restent en deçà de notre potentiel. C’est notamment vrai si l’on se rapporte aux parts de marché de nos grands partenaires européens dans les pays d’Europe centrale et Orientale et dans les pays émergents.

S’agissant des nouveaux membres de l’UE, les enjeux sont considérables : tous ceux qui sont ici le savent bien ! Parce que l’élargissement accélère dans vos nations la volonté de rattrapage du temps perdu, notamment en termes de bien être économique et social, il constitue une grande opportunité pour notre économie. Ce qui a été vrai naguère avec l’Espagne et le Portugal se reproduit aujourd’hui avec les nouveaux Etats membres. Sait-on qu’en dix ans, les ventes de la France ont été multipliés par quatre dans les 10 pays de l’élargissement ? Sait-on que cette dynamique se poursuit – avec + 9,4% sur le premier trimestre de cette année – bien au-delà de la reprise de nos exportations globales ?

Pour tous ceux, comme vous, qui inventent, produisent, et vendent, ne boudons pas notre chance : l’élargissement vous ouvre un marché unifié de 450 millions de consommateurs, régi par des règles de droit harmonisées, qui doit devenir l’espace naturel du développement de vos entreprises. Quelle belle aventure vous est offerte !

Vos réussites sont indéniables, et ces Trophées sont l’occasion de les célébrer.

Mais ces succès sont des exemples qui nous obligent, les uns et les autres, à aller plus loin encore pour « transformer l’essai » et tirer profit de toutes les opportunités que le monde offre aujourd’hui à vos entreprises.

II – L’Etat doit remettre concrètement le commerce extérieur au cœur des priorités de sa politique économiques.

Une série de mesures sont d’ores et déjà engagées, qui vont dans le bon sens : la définition de « plans d’actions» pour 25 pays cibles, la décision de multiplier par deux le nombre de salons professionnels soutenus par l’Etat et par trois le nombre des jeune « Volontaires Internationaux en Entreprises » et la création d’un guichet unique d’information commerciale, l’agence Ubifrance.

Mais on peut, on doit, aller plus loin. Il y va de notre croissance et de nos emplois. Vous pouvez donc compter sur moi, avec François Loos, pour mettre le commerce extérieur au cœur des priorités de notre politique économiques.

Pour avancer concrètement, trois pistes seront privilégiées :

   - D’abord, mettre davantage d’entreprises en situation d’exporter, ce qui créera des emplois en France

Nous avons en France un faible nombre d’entreprises concernées par l’exportation, notamment parmi les PME. Une centaine de milliers contre 170.000 en Italie et plus de 200.000 en Allemagne.

Cela n’est pas une fatalité mais cela nous invite au mouvement : comment faire en sorte que l’exportation soit pour une plus grand nombre d’entreprises françaises le prolongement naturel de leur développement ?

Je vous le dis franchement : dans ce domaine, la réflexion en chambre n’est pas appropriée. Il faut partir des besoins concrets et voir précisément comment nous pouvons y répondre.

Lorsque vous êtes une entreprise, et particulièrement une PME, de quoi avez-vous finalement besoin pour vous lancer à l’exportation ?

- Au premier chef d’une information sur les marchés extérieurs, qui soit d’accès facile, suffisamment claire : c’est exactement la mission que nous avons assignée à Ubifrance. Le projet opérationnel de l’agence, c’est-à-dire sa politique commerciale, est aujourd’hui en chantier : nous partons de loin et il s’agit de ne pas décevoir. Je veillerai personnellement à ce que cela soit le cas avant la fin de l’année. L’agence sera votre véritable partenaire commercial à l’export et votre porte d’entrée vers le réseau international des Missions Economiques dépendant de mon ministère. J’entends d’ailleurs que celles-ci accentuent dans les prochaines années leur redéploiement vers les marchés stratégiques, tout en poursuivant leur effort de productivité. Nous devons vous proposer un dispositif public efficace, qui fournisse à la fois l’information de base sur les marchés extérieurs et les services pratiques vous permettant d’y prendre pied.

Dans le même temps, vous devez connaître très précisément quels sont les pays où l’Etat est prêt à vous accompagner en vous offrant sa garantie. Et nous devons faire un effort pour que cette information soit plus lisible qu’elle ne l’est aujourd’hui. Dans cet esprit, j’ai décidé de clarifier la présentation de la politique de crédit mise en œuvre par la Coface. Celle-ci sera désormais ouverte sans limitation sur l’ensemble des pays de l’UE, ce qui veut dire que nous interviendrons si nécessaires sur les pays de l’ancienne UE à 15 et sans restriction sur les 10 nouveaux membres. Nous bénéficions d’un marché unique, et chacun doit en tirer toutes les conséquences.

Pour les pays émergents, où nous avons à regagner du terrain, j’entends rendre plus explicite la volonté de l’Etat de partager vos risques : aussi ai-je décidé de raisonner par enveloppes globales sur une base pluriannuelle. A titre d’exemple, nos exportateurs disposeront dès cette année d’une enveloppe de 3,5 Mds sur la Chine, d’1, 2 Mds sur l’Inde, d’1 Md sur le Brésil et sur l’Algérie, de 750 M sur la Thaïlande. En fonction des projets, j’ai demandé à être saisi personnellement de toutes difficultés qui pourraient se présenter pou bénéficier du soutien dans l’Etat dans ces pays cibles.

- Vous avez ensuite besoin de procédures administratives simplifiées. Ce n’est pas propre au commerce extérieur mais cela ne nous exonère pas de prendre nos responsabilités en ce domaine. Plusieurs décisions visent à répondre à cette attente :

   * Le volontariat international en entreprise vient d’être assoupli, afin de mieux répondre aux besoins des PME. Les jeunes qui sont ici savent bien qu’une expérience professionnelle internationale est un atout pour une carrière diversifiée et réussie. Nous devons tout faire pour les aider à trouver le meilleur accueil auprès de nos entreprises !
   * Sur proposition de F.Loos, j’ai demandé que soit rapidement défini un dispositif de crédit d’impôt-export, particulièrement destiné aux PME, qui encouragera et facilitera la prospection commerciale hors de l’Espace Economique Européen.
   * Je souhaite également que l’on puisse avancer avec les partenaires sociaux dans la définition d’un contrat spécifique à l’export, calqué sur le contrat de chantier, qui permettra d’assouplir les recrutements liés à des projets à l’exportation.
   * Nous allons aussi simplifier le recouvrement de la TVA à l’importation pour réduire les décalages actuels, qui pèsent sur la trésorerie des entreprises. J’ai donné les instructions nécessaires pour que ce soit mis en œuvre avant la fin de l’année.
   * Enfin, pour l’ensemble des pays où elle intervient, les délais d’instruction des procédures Coface seront précisés de manière stricte : ils seront désormais opposables aux services instructeurs et le silence de nos services vaudra acceptation de votre demande de garantie.
   * Dans le même esprit, je souhaite que la Coface favorise l’accès des PME aux procédures publiques : un interlocuteur unique sera désigné dans chacune des 25 directions régionales, qui sera le premier « point de contact » des PME. Au-delà, la création d’un « conseil des usagers », composé de représentants des exportateurs et des banques, auprès de la Coface, permettra de faire évoluer la nature des relations entre les uns et les autres, dans le sens de plus de partenariat et plus de réactivité.

Ces mesures constituent une première étape. Elles ont été définies en concertation avec les entreprises et les professionnels : elles seront suivies par d’autres, si nécessaire, et toutes les suggestions que vous pourrez nous faire seront les bienvenues. Notre objectif doit être ambitieux : augmenter de 50 % en cinq ans le nombre de PME actives à l’export pour se rapprocher des performances de nos grands partenaires.

C’est d’abord en donnant envie d’exporter et en rendant cette opération aussi simple que possible que nous les motiverons.

Mais nous pouvons faire davantage :

Deuxième piste : les instruments financiers de l’Etat doivent être modernisés pour mieux vous accompagner dans la concurrence internationale

Je sais que nous avons globalement une bonne « équipe de France » en matière de commerce extérieur : des entrepreneurs actifs, des banques très présentes à l’international, un bon système associant le Coface et l’administration : mais les temps et les problèmes évoluent, de nouveaux concurrents apparaissent, qui ne respectent pas toujours les mêmes règles. Des contraintes spécifiques se font jour, qu’il faut anticiper, comme les nouveaux ratios du Comité de Bâle. Ceci doit nous conduire à évoluer pour ne pas être dépassés.

Il existe de nombreuses procédures de soutien à l’export, souvent anciennes, dont on peut se demander si elles sont toujours adaptées au contexte économique actuel. A cet égard, j’ai une conviction très forte : ce n’est pas aux exportateurs de s’adapter aux outils mais aux outils de s’adapter aux exportateurs pour les accompagner dans la « prise de risques ».

J’ai décidé que d’ici à l’automne sera engagé une « remise à niveau» complète de nos instruments de soutien avec un objectif précis : donner aux entreprises françaises la meilleure boîte à outil disponible, notamment en comparaison avec ce que font nos partenaires les plus actifs.

La méthode que j’entends suivre est simple. Partir des questions précises qui se posent aux entrepreneurs et voir comment une solution peut y apportée.D’ores et déjà, quelques orientations concrètes méritent d’être citées :

   * vos entreprises ont besoin de souplesse lorsque qu’elles intègrent dans leur offre des composants originaires d’autres pays : dans cet esprit, la tolérance pour les parts étrangères sera portée jusqu’à 40% en fonction de la nature des contrats, ce qui revient à s’aligner sur les règles européennes ;
   * vos entreprises souhaitent pouvoir bénéficier du soutien de l’Etat lorsqu’elles traitent avec des clients non étatiques, qu’il s’agisse d’entreprises ou de collectivités locales : moyennant une tarification appropriée des primes, cela doit être rendu possible.
   * vos entreprises rencontrent des difficultés croissantes pour l’émission des cautions bancaires nécessaires à la signature des contrats à l’export : l’Etat ne peut rester insensible à cette situation. J’attends pour octobre des propositions opérationnelles sur cette question.
   * les PME ont besoin de souplesses spécifiques par rapport à des procédures qui profitent surtout aux grands groupes ? J’ai demandé que l’on réfléchisse aux initiatives prises par d’autres pays, comme l’Allemagne, pour adapter nos outils à leurs besoins spécifiques. Je ferai des propositions à l’automne.
   * face aux variations des changes, qui posent des difficultés croissantes à nos exportateurs, la couverture de change proposée par la Coface est un instrument très apprécié. Mais nous pouvons sans doute la moderniser pour qu’elle puisse répondre à davantage d’entreprises et à l’évolution des préoccupations des exportateurs ;
   * il en est de même de la garantie des investissements, qui permet à l’Etat de partager une partie de votre risque dans des pays parfois incertains.
   * enfin, l’évolution des règles prudentielles (Bâle II) ne doit pas conduire les banques à renoncer à vous accompagner à l’international : cela implique de rechercher ensemble des solutions rapides, qui peuvent passer par une gestion plus dynamique des « quotités non garanties ».

Sur tous ces points, j’ai demandé à M. Ravier, ancien directeur adjoint de la DREE, puis de l’OMC, de travailler en étroite liaison avec les acteurs du commerce extérieur. Parce que ces problèmes relèvent de l’intérêt général, ils doivent être traitée dans un esprit de partenariat. Il me fera ses propositions, qui seront je l’espère un peu les vôtres, pour octobre et je prendrai les décisions qui s’imposent dans l’esprit que j’ai indiqué.

   * je souhaite aussi approfondir nos stratégies vers les pays prioritaires pour le développement international de nos entreprises, initiées par François Loos. Nous devons être plus présents dans les zones en forte croissance économique.

A titre d’exemple, j’annoncerai bientôt le nouveau cadre dans lequel nous souhaitons inscrire nos relations économiques et financières avec l’Algérie. Je crois qu’il exprimera bien la volonté conjointe d’exploiter au mieux les complémentarités entre nos deux économies, et la disposition de la France à mobiliser les moyens financiers appropriés, y compris de l’aide liée, qui est utile pour le développement et utile pour les entreprises.

Troisième piste, enfin : Je souhaite parvenir à une meilleure coordination entre les différents acteurs publics qui soutiennent l’export.

Je sais que le « génie français » ne s’exprime pas forcément toujours bien dans ce domaine, mais c’est une exigence essentielle à mes yeux.

J’ai bien conscience que le monde n’est plus celui du Gosplan et que l’Etat ne peut tout faire en matière de commerce extérieur. Je vous ai dit ce qu’il doit faire selon moi : « parler clair », c’est-à-dire expliquer « où est la croissance » et fournir un « service » irréprochable pour ce qui lui revient, c’est-à-dire les meilleurs outils possibles. C’est cela que j’appelle « redonner au commerce extérieur son caractère de priorité ».

Au-delà, c’est toute la « maison France » qui doit donc mieux travailler ensemble et partager la même ambition pour développer la présence internationale de nos entreprises. J’attends beaucoup de la réflexion nationale qui s’engage avec les régions, les fédérations, les chambres de commerce et même les réseaux bancaires, que nous avons souhaité associer pour encourager nos PME à l’exportation. Cette réflexion doit aboutir à définir de nouvelles méthodes de travail permettant de mutualiser nos moyens – humains et financiers et de mieux communiquer et agir ensemble. C’est une occasion à ne pas manquer !

Avec François LOOS, nous réunirons donc cet automne, la Conférence de l’Exportation qui réunit l’ensemble des partenaires public et privé, pour tirer un premier bilan de ce chantier prioritaire. J’annoncerai également à cette occasion, dans chacun des domaines que j’ai évoqués, les nouvelles mesures que nous appliquerons pour relever ce défi de l’exportation.

La mondialisation constitue une chance pour notre pays, si nous savons nous y préparer et en expliquer toutes les conséquences.Il est temps de nous employer tous ensemble le démontrer à nos concitoyens !