Débat d’Orientation Budgétaire


Intervention de M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie

Assemblée nationale – Jeudi 24 juin 2004 Débat d’Orientation Budgétaire

Mesdames, Messieurs les Députés,

Ce débat d’orientation budgétaire est l’occasion d’un point de situation approfondi avec vous, particulièrement bienvenu à l’heure où l’on se met à reparler de croissance, dans le monde, en Europe, et en France.

Je voudrais vous livrer les données essentielles de la situation, telles qu’elles se présentent à nous, aujourd’hui, en juin 2004. Comment faire la part des bonnes et des mauvaises nouvelles ? Sommes nous trop ou encore pas assez rigoureux ? Que devons nous subir ? Comment devons nous agir ? Il ne s’agit pas d’aligner des chiffres, même si les chiffres sont utiles. Il s’agit de mesurer ensemble nos contraintes, mais aussi notre capacité d’agir, qui est la raison d’être d’un gouvernement. Je vais essayer pour cela de limiter les données chiffrées à l’essentiel, mais insister sur leur signification. En suivant un raisonnement simple : quel est l’état des lieux ? Pourquoi et comment agir ?

Nous devons composer avec une conjoncture internationale qui s’améliore et une situation budgétaire très difficile.

Nous sortons d’un ralentissement de croissance sans précédent depuis la récession de 1993. C’est grâce à la consommation que la France a résisté à la récession de 2003 qui atteignait d’autres pays européens, en maintenant un taux de croissance positif, même s’il a été très faible : 0,5%, un peu plus que la zone euro. Les dépenses de consommation des ménages représentent à elles seules plus de la moitié du PIB, c’est dire l’importance de ce moteur pour la croissance. Ce sursaut de l’an passé, nous le devons donc à une consommation des ménages qui a bénéficié des réductions d’impôts et de la revalorisation du SMIC en juillet 2003, cela alors que l’investissement des entreprises diminuait de 1,5% et les exportations de 2,7%.

Cela nous a permis de saisir le redressement de la mi 2003 dans la zone euro, avec un peu d’avance sur nos voisins. Qu’en est-il aujourd’hui ?

Les nouvelles générales sont meilleures qu’il y a trois mois : la croissance mondiale pourrait dépasser les 4,5% cette année, grâce aux Etats-Unis, qui sont sur ce rythme, mais aussi grâce à la Chine qui pourrait atteindre les 8%, et au Japon avec un chiffre possible de 3%. D’après l’OCDE, la zone euro dans son ensemble pourrait connaître une croissance de 1,6%.

Autre bonne nouvelle : la France va mieux qu’on ne le pensait, avec une croissance de 0,8% au premier trimestre, cela grâce encore à la consommation des ménages, mais aussi cette fois ci à l’investissement des entreprises, qui s’est accéléré. L’INSEE nous dit aujourd’hui même que la croissance dépasserait 2% en moyenne annuelle cette année .

Toutefois, le volontarisme reste de mise, plus que jamais. C’est une croissance qui pour l’Europe et pour la France, est encore convalescente. La demande dans la zone euro reste faible. Il y a des risques de ralentissement identifiés liés au prix du pétrole, aux déséquilibres américains, au relèvement annoncé des taux de la réserve fédérale. Il est trop tôt pour savoir quand et comment ces facteurs vont jouer. Et dans tous les cas, notre taux de chômage de 9,8%, en avril 2004, qui a augmenté d’un point depuis décembre 2001 -c’est-à-dire depuis que la conjoncture s’est retournée- doit être l’objet de notre attention prioritaire. Notre politique budgétaire doit être au service de la croissance et de l’emploi, et ne peut pas être passive.

Car la croissance spontanée ne suffira pas à nous tirer d’affaire, soyons en conscients. Et en particulier parce que nos finances publiques sont très dégradées et sont un poids pour le retour de la croissance. Elles ne nous permettent pas d’encourager l’activité autant que nous le voudrions, puisque nous ne pouvons plus creuser les déficits. Nos déficits absorbent aussi les recettes de la croissance qui devraient pouvoir être recyclées dans l’activité.

Et à elle seule, cette réduction des déficits justifie une action volontariste. Il nous faut bien réaliser qu’avec une croissance de l’ordre de 2% cette année, et encore de 2,5% l’an prochain, notre déficit public resterait spontanément, si nous n’agissions pas, au dessus de 3%. Pour revenir en dessous des 3% du PIB, sans avoir à agir, il faudrait en réalité que la croissance revienne très vite à 3% et nous ne pouvons naturellement pas nous contenter de cet espoir.

La première conclusion, c’est donc qu’il nous faut agir et vite, si nous voulons tirer parti de la croissance qui revient. C’est pour nous l’occasion, non pas de desserrer des contraintes, mais d’enclencher des mécanismes vertueux qui survivront à l’amélioration de la conjoncture. Dans le cas contraire, nous prendrions la responsabilité de léguer à nos successeurs des difficultés encore plus grandes. Si nous n’agissons pas, les choses ne vont pas se stabiliser, mais s’aggraver, l’endettement s’accroissant spontanément sous l’effet des chocs du passé.

Quelle est la situation de nos finances publiques ? Nous sommes arrivés au taquet de la dégradation budgétaire. Le déficit public de la France a dépassé les 3% à partir de 2002, c’est à dire dès que la croissance s’est dérobée. En 2003, les déficits publics ont atteint 4,1% du PIB. La dette a atteint près de 64% du PIB. Nous ne respectons plus les critères de Maastricht qui s’imposent à nous, et cela quelle que soit notre opinion sur eux. Et rappelons nous que seul un vote à l’unanimité des Etats pourrait les modifier.

La France, comme l’Allemagne -ce qui n’est pas une consolation- a fait l’objet à l’automne dernier d’une procédure européenne de déficit excessif, suspendue après l’intervention du Conseil, mais non sans mal.

Le 15 décembre 2003, la France a donc pris des engagements :

- revenir à un déficit public inférieur à 3% dès 2005 – stabiliser les dépenses de l’Etat en volume, chaque année, de 2004 à 2007 – conduire une réforme structurelle de l’assurance maladie, qui ait des effets massifs dès 2005 – affecter tout surplus de recettes liées à une croissance plus forte à la réduction du déficit – financer toute nouvelle baisse d’impôts, soit par une maîtrise accrue des dépenses publiques, soit par la suppression d’autres impôts.

Nous pourrions contester la rigueur des règles européennes, en objectant que nous ne sommes pas les seuls à être en difficulté. Mais nous avons, je crois, plutôt intérêt à réfléchir en priorité sur notre responsabilité dans cette dégradation. Car il ne s’agit pas seulement d’une dégradation conjoncturelle, qui pourrait s’améliorer d’elle-même. C’est notre déficit structurel qui est en cause. Il s’est creusé, et cela c’est la responsabilité de la France seule.

Je ne veux pas faire le procès des uns ou des autres, personne n’a le monopole de la bonne ou de la mauvaise gestion, et cela fait plus de vingt ans que les déficits sont apparus et se répètent année après année. Notre situation des finances publiques est structurellement délicate. Mais le fait est qu’elle s’est nettement dégradée ces toutes dernières années. Des dépenses ou des baisses d’impôts importantes ont été engagées avant 2002, alors que les recettes de la croissance rentraient. Les recettes sont reparties avec la croissance en 2002, les charges lourdes, elles, demeurent.

Je vais m’en tenir à des constats irréfutables, sans jugement de valeur. Nous sortons, comme nos partenaires européens, d’une période de deux ans de ralentissement fort. Clairement, les recettes fiscales rentrent beaucoup moins bien depuis 2002, après un cycle de croissance de cinq ans qui avait même mené à l’épisode de la « cagnotte fiscale ».Clairement aussi, des engagements ont été pris par nos prédécesseurs, en connaissance de cause- ils revendiquent par exemple les 35 heures- sur lesquels je ne veux pas me prononcer à ce stade, mais dont je constate qu’ils coûtent au total, à eux seuls, 14 milliards d’euros alors que les recettes de la croissance ont disparu. Autre constat, la dérive de l’assurance maladie, qui est repartie à la hausse depuis l’année 2000, pour dépasser les 2 milliards d’euros dès 2001 et qui cette année est sur une tendance de 13 milliards d’euros. Le résultat, c’est un déficit public qui s’est remis à augmenter depuis deux ans, dès que la croissance s’en est allée.

La gestion de Francis Mer et Alain Lambert a permis de limiter la dérive, en décidant de stabiliser rigoureusement la dépense en volume en 2003, ce qui a pu être fait, grâce à la mise en place de mesures de régulation très tôt dans l’année. Mais malgré ces efforts, le déficit public a atteint 4,1 points de PIB en 2003, essentiellement sous l’effet des mauvaises rentrées fiscales, les moins values atteignant plus de 11 milliards d’euros.

L’endettement public qui avait longtemps été contenu aux alentours de 55%, atteint en 2004 le taux moyen d’endettement public de l’Union européenne : 64 %. Cette comparaison est tout sauf satisfaisante. Car on s’aperçoit que nos partenaires européens ont progressé, ces dernières années, alors qu’ils étaient nettement plus endettés que nous. En période de bonne conjoncture, entre 1999 et 2001, ils ont réussi à alléger leur endettement de 4,4 points de PIB, trois points de plus que nous pour ces mêmes années fastes. Le résultat, c’est que nos chiffres d’endettement public se rejoignent aujourd’hui, mais avec un déficit public français qui maintenant est bien supérieur à la moyenne de celui la zone euro, celle-ci ne dépassant pas 2,7 % du PIB en 2003, et sans doute pas en 2004.

Ces chiffres nous valent des engagements fermes à respecter vis-à-vis de Bruxelles, mais aussi de nous-mêmes, car il n’y a pas de croissance sans confiance, et la confiance ne peut pas s’installer sur des déséquilibres.

Pour nous en convaincre, il nous faut réaliser les méfaits durables de l’endettement sur notre économie :

- un blocage des marges de manœuvre budgétaires pour l’Etat, car le service de la dette représente pas moins de 40 milliards d’euros par an, soit 14% des dépenses du budget général, c’est plus que tous les crédits consacrés à l’emploi

- une perte de confiance diffuse des Français, qui ne peuvent pas se décider à consommer et à investir alors qu’ils ont le sentiment que l’Etat est aux limites de sa crédibilité budgétaire, et que l’endettement par habitant atteint près de 16 000 euros.

Il faut agir, et tout de suite car sinon la situation ne va pas se stabiliser mais encore s’aggraver. Actuellement, tout se passe comme si nous engagions chaque année quinze mois de dépenses avec douze mois de recettes. Chacun peut comprendre les limites de cet exercice, et peut comprendre aussi qu’en continuant ainsi, les difficultés ne vont pas s’arrêter d’elles mêmes, mais augmenter.

Par quoi devons nous commencer ?

Pour réduire nos déficits, je suis profondément persuadé que le recours à de nouveaux prélèvements obligatoires n’est pas envisageable, là encore pas par idéologie, mais par bon sens : la France reste au plafond du taux de prélèvements obligatoires en Europe, avec 43,78%. Et puis, la raison majeure, c’est que les Français attendent des raisons d’avoir confiance pour se remettre à consommer et à investir. Un supplément d’impôt serait dissuasif, et aboutirait à ce que le malade « meure guéri ».

J’irai plus loin : nous devons, dès que la situation budgétaire nous le permettra, alléger les prélèvements obligatoires qui entravent notre activité. Un exemple, parmi beaucoup d’autres :d’après les calculs récents de la Commission européenne, le taux de taxation du travail -fiscal et social- était en France de 41,8% en 2002, contre 36,3% pour l’Union européenne. Nous luttons autant que nous le pouvons contre les délocalisations industrielles, mais notre pression fiscale joue contre nous ! Au sein même de nos frontières, nous luttons pour réhabiliter la valeur du travail par rapport à l’assistance, mais là encore notre pression fiscale joue contre nous ! Il faudra alléger cette pression le plus vite possible, dès que le poids des déficits sera suffisamment réduit.

Aujourd’hui, pour réduire ces déficits, c’est sur la dépense que nous devons agir. Nous sommes engagés vis-à-vis de Bruxelles à la stabiliser en volume jusqu’en 2007.

Pour cela, nous avons décidé d’appliquer en 2004 la même règle qu’en 2003 : pas plus de dépenses que l’autorisation parlementaire, celle que vous avez votée avec la loi de finances initiale. Car avec le jeu des reports de crédits, et des décisions prises en cours d’années, ce montant pourrait être bien supérieur, comme il l’a été au cours d’années précédentes, ce qui constitue une vraie dérive . C’est pour cela que la régulation budgétaire, décidée le 20 avril dernier a conduit à constituer une réserve de précaution de 7 milliards d’euros, en excluant les dépenses obligatoires et les priorités absolues du gouvernement. Cette stabilité en volume que nous visons, ne nous permet au demeurant, toutes choses égales par ailleurs, que de réduire de 0,4% de PIB le déficit de l’Etat, ce qui est un minimum lorsque celui-ci avoisine les 4%.

Comment maintenir cette stabilité en volume l’année prochaine ? Certaines charges, telles que celle de la fonction publique, ou celle de la dette augmentent automatiquement, de plus de 4 milliards d’euros. Les mesures de revalorisation, que ce soit du point de la fonction publique ou des minima sociaux, coûtent 1,2 milliards d’euros. Les lois de programmation, défense, sécurité, justice, et nos autres engagements pluriannuels, représentent 3 milliards d’euros supplémentaires. La nouvelle tranche annuelle des allègements de charges sur l’emploi, c’est 2,4 milliards d’euros. Tout cela, c’est déjà une progression de 2,5% en volume… cela donne l’idée de l’effort à réaliser -plus de 11 milliards d’euros- pour revenir à la stabilité.

Les lettres cible, adressées le 3 juin à tous les ministres par Dominique Bussereau et moi-même tiennent compte de cette équation : l’objectif général de plafonnement du déficit à 3 % du PIB en 2005 est rappelé. Il implique un volume de dépenses qui progresse de façon différenciée entre les ministères selon les priorités.

J’insiste sur ce point : tout ne peut pas être prioritaire. Pendant des décennies, à force de ne pas choisir, on en est arrivé progressivement à rajouter les priorités les unes aux autres, la plupart des dépenses de l’Etat étant en effet hautement justifiables ! L’éducation, l’emploi, la recherche, la justice, la sécurité sont dans l’absolu, évidemment des priorités. Mais aujourd’hui la contrainte de l’endettement, qui se resserre autour de nous, nous oblige à choisir. Nous devons cibler beaucoup plus finement les dépenses à privilégier, en préservant en premier lieu, c’est notre devoir, les dépenses qui engagent l’avenir : recherche, formation, enseignement supérieur, aide à la création d’emplois.Un budget sérieux n’est pas un budget de récession. Il est possible d’assainir la situation des finances publiques, tout en faisant en sorte que la croissance et l’emploi soient soutenus. Ce n’est pas facile, lorsque la contrainte est celle de la croissance zéro des dépenses. Cela implique des choix, beaucoup de concertation et de pédagogie.

Et cela implique donc que nous arrivions à maîtriser certains postes de dépenses. Je pense évidemment à un effort indispensable de modernisation de notre gestion : le non remplacement d’un fonctionnaire sur deux qui partent à la retraite dans les ministères et les fonctions où c’est possible, grâce à des réorganisations- c’est une mesure qui n’est évidemment pas dirigée contre les fonctionnaires, auxquels de meilleures conditions de travail seront assurées ; la vente d’immeubles de l’Etat en centre ville, trop chers, au profit d’implantations plus rationnelles, car l’Etat doit être de ce point de vue aussi exemplaire.

Au-delà, je compte aussi beaucoup sur la nouvelle culture introduite par la LOLF à partir de l’an prochain. On ne raisonnera plus en moyens, mais en objectifs, et en résultats, ce qui est un formidable levier de rationalisation et d’économies. Enfin, la représentation nationale pourra voter en fonctions d’objectifs déterminés, et juger si les moyens alloués y suffisent. Enfin, les responsables administratifs pourront redéployer librement des crédits au cours de l’année pour les gérer au mieux. Nous travaillons activement à implanter les structures de la LOLF, nous venons d’ailleurs de désigner les responsables de programme, et de rédiger avec les deux assemblées et la Cour des comptes le guide partagé de la performance, qui sera le vade mec de la gestion administrative et du contrôle parlementaire. Nous allons sortir en quelques mois de plusieurs siècles d’habitudes budgétaires, où le niveau des crédits et leur progression étaient les références absolues. Il y a là beaucoup d’espoir pour nos finances publiques.

Nous agissons donc vigoureusement pour maîtriser le déficit de l’Etat. C’est nécessaire, mais ce n’est pas suffisant. Il faut donner à notre politique budgétaire de la cohérence et de la visibilité. Il faut que la France se fixe des règles qui survivent aux clivages politiques. Les Français ont le goût de l’alternance, soit, mais le paquebot budgétaire ne peut pas naviguer sans dommage en changeant de cap tous les deux ou trois ans.

Il nous faut introduire de la cohérence là où trop longtemps nous avons navigué à vue. Nous avons cru pendant des années à des difficultés seulement conjoncturelles, nous savons maintenant qu’elles sont structurelles. Nous avons des engagements européens. A nous d’en tenir compte.

La cohérence, c’est trois choses : une maîtrise de tous les comptes publics, par tous les acteurs ; une visibilité dans le temps ; une concertation avec nos partenaires

Au sein de l’Etat tout d’abord, avec une concertation interministérielle plus forte. Après le séminaire gouvernemental du 13 mai, les lettres cible qui ont été adressées aux différents ministres comportent des pistes de réforme à explorer de concert, afin de pouvoir tenir la progression maximale de crédits rendue possible par l’objectif général de stabilité en volume des dépenses de l’Etat. Je crois qu’il est très important que Bercy soit une force de proposition, et pas seulement celui qui dit « non ». Je crois qu’il faut le plus possible partager une vision commune des réformes à mener, et des priorités à respecter. Plus ce consensus sera fort, plus la réforme sera durable.

La cohérence exige aussi que soient maîtrisés les autres soldes publics, sociaux et locaux. Le budget de l’Etat ne représente en effet que moins de 40% du total des budgets publics.

Le déficit des comptes sociaux, tout d’abord. La réforme des retraites réalisée en 2003 permet d’alléger, à elle seule, un tiers du déficit de ces régimes à l’horizon de 2020. La réforme de l’assurance maladie en cours, qui doit responsabiliser les différents acteurs de la santé, changer les comportements, devrait permettre un retour à l’équilibre en 2007, alors que le déficit pourrait atteindre 13 milliards d’euros cette année.

Les collectivités locales, dans le respect de leur autonomie, devraient elles aussi être mieux associées à la stratégie d’ensemble des finances publiques.

Nous pourrions associer, au moment du débat d’orientation budgétaire national, le gouvernement, les commissions des finances des deux assemblées, avec les principales instances de représentation des collectivités locales, dans une conférence annuelle de concertation.

La cohérence, c’est aussi la durée. Une politique budgétaire n’a pas de sens à l’horizon d’un an. Un an, c’est l’horizon de la gestion, pas celui de la vision. Nous devons mettre en place les instruments d’une vision sur dix ans, vingt ans, d’une stratégie budgétaire, qui ne serait pas une prévision, naturellement, mais un cadre auquel nous pourrions nous référer. Ce serait la concrétisation de cette fameuse « soutenabilité » des finances publiques, un mot un peu obscur, un peu abstrait, auquel on se réfère toujours sans savoir exactement ce qu’il représente. Cela devient nécessaire car le vieillissement de la population nous crée des charges de retraite, de santé, d’emploi, que nous pouvons, et que nous devons, déjà anticiper largement.

D’ores et déjà , nous pouvons fixer des règles pour l’avenir, en tirant des leçons du passé .Nous ne devons pas fluctuer au gré de la conjoncture , en allant dans son sens puis en la contrariant , faute de vision de long terme .Ainsi , nous avons pu constater que les baisses d’impôts décidées lorsque les recettes fiscales sont fortes amènent à une dégradation dès que la conjoncture se retourne .C’est ce qui a été fait à la fin des années 90 . Nous vous proposons de fixer par avance une règle de gestion en cas de recettes supérieures aux prévisions, à travers une loi organique. Par exemple – mais ceci reste bien sûr à débattre –donner la priorité à la réduction du déficit, avec l’affectation d’au minimum les deux tiers des excédents de recettes, le solde étant affecté à des dépense de recherche, d’investissement, ou à des allègements d’impôts très ciblés et temporaires ?

Enfin, la cohérence, c’est la concertation avec nos partenaires .Si nous obéissons à des règles communes européennes, le moins que nous puissions faire est de nous concerter plutôt que de tirer chacun dans son sens.

Il ne faut pas attendre les procédures de déficit excessif pour nous concerter .Un gouvernement économique de l’Europe, nécessaire dans le domaine monétaire, serait aussi précieux dans le domaine budgétaire, pas pour se substituer aux gouvernements des Etats membres, mais pour harmoniser nos initiatives. D’ores et déjà nous transmettons chaque année un programme pluriannuel sur trois ans à la Commission.

Mais ces obligations ne doivent pas rester formelles, et c’est le risque d’une trop grande rigidité. C’est pourquoi je pense qu’un aménagement du pacte de stabilité est nécessaire, pour qu’il prenne davantage en compte la situation conjoncturelle et la situation d’endettement de chaque pays. L’objectif de déficit à moyen terme n’est pas forcément le même pour un pays qui a un lourd endettement et un système de retraites déséquilibré dans la durée, et pour un pays au contraire peu endetté et qui a besoin d’investissement public. Les règles européennes ne doivent pas être un dogme, si elles veulent avoir une influence sur la réalité, elles doivent donc permettre des ajustements en fonction des difficultés conjoncturelles et de la situation de chacun. Cela n’est pas contradictoire avec le sérieux de la gestion.

Enfin, la concertation, c’est aussi la possibilité de prendre des initiatives communes avec nos partenaires. En vérité, personne ne nous en empêche.

C’est pour cela que j’ai proposé à mon collègue allemand, de cosigner, avant la prochaine loi de finances, une déclaration commune, qui mettra nos deux politiques économiques en perspective, y compris dans leur composante budgétaire. Il ne s’agit pas de pratiquer un alignement d’un Etat sur l’autre, ce qui n’aurait pas de sens. Mais cette initiative nous oblige à nous comparer et à réfléchir, à vérifier que nous allons dans le même sens. Elle pourrait tout à fait servir de socle à un pacte plus large, retraçant les principales initiatives des membres de l’Eurogroupe, par exemple.

Voilà, Mesdames et Messieurs les députés, les réflexions que je voulais vous livrer. Le rapport écrit qui vous est distribué comporte toutes les informations, notamment en matière de prévisions de recettes et de dépenses, prévues dans le cadre, proche maintenant, de la mise en œuvre de la LOLF. Nous vous avons par ailleurs fait parvenir avant hier le guide partagé de la performance, rédigé en collaboration par le gouvernement, le Parlement et la Cour des Comptes. C’est le mode d’emploi de la LOLF. J’espère que cette collaboration va se poursuivre dans ce débat d’orientation, que je souhaite fructueux grâce à votre réflexion .La politique budgétaire de la France doit faire toute sa place à la représentation nationale, et pas de manière seulement institutionnelle. Ce n’est pas seulement le vote du Parlement qui compte, ce sont aussi ses débats, ses réflexions, son soutien, ses oppositions. Je vous remercie.