Comité technique paritaire ministériel


Comité technique paritaire ministériel du 15 juin 2004

Mesdames, Mesdemoiselles, Messieurs,

En débutant ce comité paritaire, je souhaite vous redire la fierté et le plaisir qui sont les miens d’être ici, à Bercy, à la tête de cette administration connue, à juste titre, pour sa très grande qualité. On ne dirige bien qu’en dialoguant avec ceux que l’on dirige, en leur expliquant ce que l’on veut faire, en écoutant ce que sont leurs attentes. Cette rencontre est une occasion privilégiée de dialogue, et je ne veux pas qu’elle soit une figure imposée, mais un lieu d’échanges. Tous les ministres sont à mes côtés, Patrick Devedjian, François Loos, Christian Jacob, Dominique Bussereau. Nous sommes entourés de nos collaborateurs pour répondre aux questions que vous-mêmes et les agents vous vous posez. Nous sommes tous là pour donner des réponses précises à des questions précises.

Une première réflexion : Bercy n’est pas une page blanche, beaucoup de ministres, et de grands ministres s’y sont succédés. Il ne s’agit aujourd’hui, ni de contester leur action, ni de reprendre leurs idées qui n’auraient pas encore pu être appliquées, ni de prétendre tout réinventer. Notre projet pour le ministère, que je vais vous présenter, part tout simplement de l’idée que j’ai de Bercy et de ses missions, aujourd’hui en juin 2004, et pour les années à venir.

Quel est le cap qui est assigné au ministère de l’Économie, des finances et de l’industrie ? Nous considérons, tous ici, que Bercy doit demeurer la maison de l’excellence. La qualité des agents, quel que soit leur grade, est bien connue et unanimement respectée. Je l’ai mesurée moi-même en tant que ministre du Budget il y a onze ans, je la retrouve intacte. C’est un acquis précieux, qu’il ne faut surtout pas perdre. Mais l’excellence ne peut pas être un but en soi, elle doit être mise au service d’un objectif.

Il faut donc se fixer des priorités. La nôtre est claire : Bercy doit être l’instrument privilégié du Gouvernement pour retrouver le chemin de la croissance et de l’emploi. Cet objectif n’est pas nouveau en soi, ce qui est nouveau, c’est la priorité absolue que nous lui donnons. Il serait facile, je dirais même parfois assez tentant, pour chacun d’entre nous, de s’absorber dans de multiples sujets techniques, qui ne manquent pas ici, et sont d’ailleurs en général très intéressants.

Mais ce n’est pas le sens de la mission d’un ministère des finances. Toute cette science, cette technique, ne sont pas un but en soi, elles sont là pour servir le pays en lui donnant les moyens d’avancer et de se moderniser. Bercy, tel qu’il est aujourd’hui, est parfaitement configuré pour être le ministère de l’Économie, au service de l’emploi. Ici sont réunis tous les leviers des politiques économiques de notre pays. Tous ces leviers sont indispensables. Le périmètre de nos missions est un formidable creuset de l’action. Il nous faut en développer toutes les potentialités. C’est ici, c’est à nous que revient la tâche bien lourde de faire sauter les verrous de la croissance, de l’enrichir en emplois. C’est un défi considérable et une tâche extrêmement difficile. C’est pour cette raison que c’est passionnant et que nous sommes ici.

C’est pour cela que dès mon arrivée j’ai voulu aller droit vers les sujets qui conditionnent ces objectifs : Alsthom, EDF, Sanofi-Aventis, ce ne sont pas des sujets de « mécano industriel », inventés pour faire plaisir. Ce sont des dossiers qui conditionnent des milliers d’emplois. Même chose pour la contrefaçon : il ne suffit plus de la dénoncer, il faut agir, car c’est une menace pour des milliers d’emplois dans notre pays. Même chose pour les prix dans la grande distribution, on ne peut pas se contenter de déplorer des prix trop élevés, il faut agir pour redonner concrètement aux Français du pouvoir d’achat.

Les Français attendent de bonnes raisons d’avoir confiance. Et c’est ici, à Bercy, que ces bonnes raisons peuvent et doivent se construire.

Avec un périmètre d’actions conforté, Bercy doit maintenant se fixer un cap, et le garder. Et savoir mettre toutes ses qualités au service de ce cap. Parce que le ministère de l’économie et des finances aura confiance dans ses missions, il devra être ouvert aux réformes, dès lors qu’elles vont dans le sens de ses objectifs. Ce devra être notre fil conducteur. Toute réforme sera entreprise dans un but précis, en cohérence avec le ministère dans son ensemble.

Qu’est ce que cela implique dans la gestion de Bercy ? Deux choses : être performant, pour atteindre des objectifs, mais aussi être performant parce que l’on demande aux autres de l’être.

La vocation du Minéfi est d’être le ministère de la performance administrative. Vous attendez de moi des engagements. J’attends de vous, et le pays aussi, des résultats, quantifiés et précis. Nous ne devons pas nous retourner vers d’autres pour les obtenir.

Pour obtenir ces résultats, c’est-à-dire améliorer la situation, nous devons bouger, nous devons mobiliser notre énergie pour être performants.

En effet, le Minéfi occupe une place centrale dans l’appareil d’État, puisque c’est lui qui fournit et régule tous les moyens de la puissance publique. A ce titre, il a donc une responsabilité particulière, ce n’est pas un ministère comme les autres : il est le garant d’une bonne utilisation des moyens financiers que nous accordent les contribuables.

Partout où nous pouvons simplifier les rouages de notre économie, faisons-le. Nous pouvons alléger les charges que nous faisons peser sur la collectivité, faisons-le. Nous pouvons et nous savons inciter à réorganiser pour faire mieux à moindre coût, faisons-le. Et disons-le. C’est notre devoir que de le mettre en œuvre et de le dire.

Et appliquons nous à nous-mêmes ce souci de rationaliser. Ce n’est pas parce que l’on exerce une activité d’intérêt général que l’on ne doit pas rechercher l’efficacité. L’efficacité n’est pas en contradiction avec l’intérêt général. Les notions d’efficacité et de productivité ne sont pas le monopole du secteur privé. S’il y a un ministère qui doit incarner cette recherche de la performance, c’est le nôtre puisqu’il est en charge de la bonne gestion du pays. Pour cela, il doit montrer la voie en étant, pour lui-même, une référence dans la qualité de la gestion publique. Là encore, il ne s’agit pas de montrer simplement notre aptitude à être les premiers de la classe, je ne doute pas que vous en soyez capables. Mais l’enjeu est de démontrer aux autres, administrations, citoyens, entreprises, que nous cherchons à nous améliorer sur tous les plans, que ce soit sur celui de notre capacité à mettre en place les conditions du redressement économique ou sur celui de notre exigence vis-à-vis de nous-mêmes.

Après tout, la meilleure manière de montrer aux autres que nous sommes convaincus de la justesse des choix que nous faisons pour eux, c’est aussi de montrer que nous sommes convaincus de la pertinence des choix que nous faisons pour nous.

Dans quelle direction iront ces réformes ?

Les années 2002-2004 ont été celles de « Bercy en mouvement ». Cela doit continuer, dans le souci de mieux faire, et avec une concertation accrue. Il faut absolument que les agents comprennent le « pourquoi des réformes », et soient associés au « comment » : c’est ce que j’appellerai « Bercy, ensemble ». Sortons du jeu de rôle habituel entre syndicats et administration. Nous avons le même objectif, même si nous pouvons différer sur les voies pour y arriver. Avoir une démocratie sociale qui fonctionne est un enjeu absolument capital. Le dialogue avec les organisations syndicales est une occasion de rencontre avec des hommes et des femmes qui ont une vision de l’organisation du ministère, et j’ai bien l’intention d’en tenir compte pour peu que vous aussi vous teniez compte de la problématique de la France.

Il nous faut d’abord poursuivre l’amélioration de notre efficacité collective. De ce point de vue, les mesures décidées par Francis MER vont dans le bon sens. Elles sont donc confirmées et seront mises en œuvre.

Nous devons pouvoir exercer nos missions en mobilisant moins d’agents. Vous savez que je n’ai pas la religion des baisses d’effectifs, je l’ai prouvé dans de précédentes fonctions. Il y a des endroits où l’on peut bien faire avec moins de personnel et d’autres où ce n’est pas possible. Il faut, c’est évident, mieux maîtriser les effectifs de fonctionnaires si l’on veut être sincère en parlant de maîtrise de la dépense publique : les dépenses de la fonction publique, c’est 40 % du budget de l’État. Nous, à Bercy, montrons qu’en s’organisant différemment, on peut très bien exercer ses missions avec moins d’agents, et cela en ne remplaçant qu’un départ à la retraite sur deux. Cela n’a rien de choquant de s’organiser pour l’avenir autrement que pour le passé, à une seule condition : que les agents reçoivent des contreparties aux efforts de productivité qu’ils réalisent.

C’est le sens de mon annonce sur la baisse des effectifs affectés à la gestion de l’impôt. Pour beaucoup de gens, ce ministère est le ministère de l’impôt. N’en ayons pas honte, bien au contraire, la collecte de l’impôt c’est le ciment de la cohésion nationale. Mais nous savons tous que cette collecte peut être moins coûteuse. Aussi, à chaque fois que nous pouvons abaisser le coût de cette collecte, il faut le faire. C’est une mesure de bon sens à laquelle les Français seront sensibles. Comment leur faire admettre que la collecte de l’impôt coûte plus qu’elle ne devrait, alors que la pression fiscale dans notre pays est déjà tellement importante ? C’est pourquoi j’ai annoncé 5 000 suppressions d’emplois entre 2004 et 2007 pour concrétiser la baisse du coût de la collecte et de la gestion de l’impôt.

Toutes les directions disposent de marges de manoeuvre. Elles devront être utilisées en ayant pour premier souci une meilleure organisation.

Je voudrais vous convaincre, avec beaucoup de sincérité, que changer n’est pas une punition. C’est une nécessité parce que le monde évolue. Nous sommes tous appelés à le faire, à tous les niveaux, quelles que soient nos fonctions. Changer devient une chance, seulement si on accepte le changement. Si on le craint, on le subit. Si on l’accepte, alors on peut le maîtriser. Trop souvent, le changement est refusé parce qu’il n’est pas expliqué et, qu’il est mis en œuvre de manière injuste. On ne peut exiger des efforts de tous et réserver des avantages à quelques-uns seulement. C’est la raison pour laquelle je vous indique le cadre précis de ce que je veux faire. Je demande d’ailleurs aux responsables des services de multiplier les initiatives pour rendre lisibles les évolutions en les annonçant, en les discutant, en les expliquant, Et je sais que de ce point de vue notre ministère a beaucoup de progrès à faire tant la culture hiérarchique verticale y est ancrée.

Nous serons très vigilants sur l’accompagnement de chaque réorganisation : elles ne doivent être ni plaquées ni imposées. Les restructurations ont souvent un impact sur les conditions de travail des agents qui ne doivent pas être détériorées à cette occasion. Il faut soigneusement les préparer et les accompagner techniquement et socialement. J’insisterai tout particulièrement sur ce point lorsque je réunirai, la semaine prochaine, l’encadrement supérieur du ministère.

Je vais vous donner trois exemples de domaines dans lesquels je souhaite que nous avancions.

   * Premier exemple : notre ministère doit être acteur dans l’amélioration de la gestion publique, en proposant des solutions et en aidant nos partenaires à mieux gérer leurs ressources financières. Pour cela, je vais regrouper d’ici la fin de l’année les corps du contrôle d’État, du contrôle financier, de l’Inspection générale de l’industrie et du commerce, de l’Inspection générale des postes et télécommunications, dans un ensemble unique qui aura pour métier de proposer des améliorations de la gestion des administrations.
     Au sein du ministère lui-même, nous allons aussi donner l’exemple d’économies de bon sens qui n’entravent en rien le bon fonctionnement des services, par exemple en regroupant et rationalisant les achats de toutes les directions. Cela va faire économiser des dizaines de millions d’euros.
     C’est également ce qui va être fait pour des installations immobilières du centre de Paris, là où le mètre carré vaut une fortune, qui vont être mises en vente car nous n’avons pas vocation à utiliser des bureaux aussi coûteux. Nous nous relogerons un peu plus loin du centre, plus fonctionnellement et de façon moins onéreuse.    * Deuxième exemple : les relations au quotidien entre l’administration fiscale et le contribuable de bonne foi – c’est-à-dire l’immense majorité de nos concitoyens – doivent plus être plus simples, plus équilibrées, plus confiantes. Le programme « pour vous faciliter l’impôt » constitue déjà une amélioration. Mais nous ne nous en tiendrons pas là et nous proposerons dès la rentrée une série de mesures allant dans ce sens. Il s’agit de faire évoluer des pratiques, certaines réglementations et la relation avec nos concitoyens. Cela dans deux directions : une transparence accrue car l’administration doit s’appliquer à elle-même les règles dont elle exige le respect de la part des contribuables, en termes de délais par exemple ; un équilibre mieux assuré car les contribuables et l’administration fiscale doivent dialoguer sur un pied d’égalité. L’immense majorité des contribuables ne sont pas des fraudeurs. Nous devons passer de la défiance à la confiance, adopter une logique présumant la bonne foi des usagers, faire du conseil fiscal et non pas simplement du contrôle, recourir plus largement aux procédures précontentieuses.
   * Troisième exemple : je crois au volontarisme en matière économique. Pour cela, il faut créer un grand service de politique économique qui ait tous les atouts en mains. Je vais donc regrouper dans une même direction – ce sera la direction générale du Trésor et de la politique économique – les trois principales directions d’administration centrale de la sphère économique, à savoir le Trésor, la Prévision et la DREE. Le nouvel ensemble devrait pouvoir être constitué d’ici la fin de l’année.

Je souhaite aussi aborder la question du mode de perception de la redevance. J’ai eu l’occasion de vous le dire, je suis très attaché au couple audiovisuel public – financement public spécifique. Il n’y aura pas de suppression de la redevance. Et je veux donc m’assurer que la redevance qui assure ce financement, le fait dans les meilleures conditions. Or, que constatons-nous aujourd’hui ? La légitimité de la redevance est contestée et notamment en raison de sa collecte, qui n’est pas optimale, c’est le moins qu’on puisse dire. Ce n’est pas la faute des agents qui ont fait de considérables gains d’efficacité. C’est le système qui a atteint ses limites.

Comment optimiser cette collecte ? Je pense, pour ma part, qu’il convient d’envisager l’utilisation d’outils qui ont fait leurs preuves. Nous pourrions adosser la redevance à la taxe d’habitation, pour consolider le recouvrement et gagner en efficacité. Sans remettre en cause le fait que seuls les foyers détenteurs d’un téléviseur devront s’acquitter de la redevance.

Cela dit, Mesdames et Messieurs, c’est une réforme qui, à ce jour, n’a pas fait l’objet d’une décision. Les réflexions gouvernementales se poursuivent. Je suis prêt à en discuter avec vous, aujourd’hui, mais pour ne pas monopoliser l’ordre du jour sur ce sujet, je propose que mon Directeur de cabinet tienne avec vous une réunion spécifique.

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Le Minéfi doit être le ministère de la performance. Il ne pourra l’être que s’il est aussi le ministère du dialogue social et de l’épanouissement professionnel.

Cela passe d’abord par l’affirmation de valeurs communes au ministère et par le respect des fonctionnaires qui les mettent en œuvre, cela à titre collectif comme à titre individuel. J’y tiens particulièrement. Je n’apprécie pas un certain nombre de jugements hâtifs sur la fonction publique et je comprends qu’il y ait une exaspération face à ces critiques. Comment un tel discours a-t-il pu s’installer alors que vous donnez tous les jours des preuves de votre désintéressement, de votre compétence ? Quand il se produit une crise, tout le monde est content de pouvoir s’appuyer sur les fonctionnaires.

Travailler au Minéfi, c’est avoir fait le choix de servir l’État, et de le servir avec rigueur et dévouement. Ce choix est infiniment respectable, comme le sont les valeurs de neutralité, d’intégrité, de recherche du bien collectif, d’équité qui y sont attachées. Je tiens particulièrement à souligner le souci de déontologie et les qualités de discrétion des administrations fiscales et douanières qui détiennent des informations très personnelles sur la vie de chacun. Cela témoigne d’une grande conscience professionnelle. Chaque agent du ministère, quelle que soit la difficulté de sa mission, doit savoir qu’il peut compter sur le soutien de chaque ministre. Je vous demande à tous beaucoup. En contrepartie je suis à vos côtés. Je vous demande de considérer que le métier de ministre est d’être parmi ses agents, avec eux, de partager leurs préoccupations et d’aller le plus souvent possible à leur rencontre.

Je veux aussi que le ministère de l’Économie et des finances s’humanise. C’est une exigence à laquelle je tiens, même si elle peut faire sourire certains. Les agents qui en franchissent le seuil chaque matin sont des hommes et des femmes qui ont une vie personnelle. Celle-ci n’est pas toujours facile et on n’abandonne pas ses soucis d’un instant à l’autre. Or, j’ai toujours pensé qu’il y avait une trop grande étanchéité entre ces deux vies et l’administration doit, mieux qu’elle le fait actuellement, aider ses agents qui connaissent de vraies difficultés personnelles. Je vais donc demander à l’encadrement de professionnaliser le suivi de ces questions et d’intégrer cet aspect personnel des choses à son management. Nous allons recruter des assistantes sociales pour mieux couvrir les zones difficiles. Et je veux aussi que soit créé un pôle social auprès de chaque responsable de service déconcentré associant le gestionnaire de personnel, les mutuelles, l’action sociale pour aider les agents connaissant des problèmes. Pour les cas les plus extrêmes, et heureusement plus rares, j’ai augmenté d’un tiers le montant des aides et des secours d’urgence. Le service public est porteur de solidarité pour la collectivité nationale, il doit aussi l’apporter en son sein. Aussi les fonctionnaires peuvent avoir besoin de solidarité. Les agents donnent beaucoup dans le cadre de leur travail, nous devons leur donner en retour, pas seulement des mesures catégorielles, mais aussi de la considération et de l’humanité.

En deuxième lieu, il nous faut un dialogue social vivant

Dialoguer cela veut d’abord dire se rencontrer souvent, et discuter. Dès mon arrivée à Bercy, j’ai rencontré chaque organisation syndicale pour avoir une discussion directe, sans langue de bois. Moins de trois mois après mon installation, je préside avec les ministres ce comité paritaire faisant un point d’ensemble sur la marche du ministère. Je vais régulièrement sur le terrain et, chaque fois, je tiens à rencontrer personnellement les agents du ministère. Je l’ai déjà fait à la Rochelle et à Clermont-Ferrand. Dominique Bussereau le fait régulièrement de son côté, de même que Patrick Devedjian et Christian Jacob. Et nous continuerons à le faire systématiquement. Je souhaite pour ma part discuter avec le plus grand nombre.

Dialoguer cela signifie également savoir écouter et, lorsque l’on est convaincu par les arguments, les prendre en considération dans sa décision. Lorsque je vous ai rencontrés dans mon bureau il y a quelques semaines, vous avez évoqué certains sujets d’actualité. Je vais vous répondre car je n’ai pas été insensible à vos arguments.

   * Vous m’avez fait part de votre inquiétude sur la disponibilité des crédits d’action sociale. Je vous annonce qu’ils ne feront pas l’objet du gel de crédits.
   * Vous m’avez demandé d’être mieux associés à la mise en place de la LOLF. Dominique Bussereau va vous présenter l’état de la question. Dès maintenant, je prends l’engagement avec lui que les syndicats seront consultés sur la définition et la mise en place des indicateurs dans les programmes du ministère, avant toute décision.
   * Vous m’avez fait part des craintes que vous inspirait la mise en œuvre de la réforme de la notation. Je souhaite vous rassurer. Le fait d’instaurer un entretien d’évaluation permettant de faire le point et de dire ce qui est attendu est une excellente chose. Comme d’ailleurs le fait que l’avancement tienne compte de la manière de servir et pas seulement de l’ancienneté. Chacun doit pouvoir exprimer son ambition professionnelle et l’administration doit savoir le reconnaître. Mais évidemment, l’appréciation doit principalement porter sur un comportement d’ensemble et surtout ne pas se limiter à des critères quantitatifs. J’ajoute que tous les éléments – je dis bien tous – concourant à l’ensemble de la procédure doivent pouvoir être contestés par l’agent devant la commission paritaire compétente.
   * Dernier sujet : les restructurations infra départementales à la DGCCRF. Vous m’en avez tous parlé et j’ai regardé personnellement ce dossier. La réforme va globalement dans le bon sens. Et je souhaite qu’elle soit poursuivie. Dans certains cas cependant – je pense par exemple à Brest ou Bayonne – j’ai observé des situations spécifiques tenant aux poids démographique et économique des sites ainsi qu’à l’ampleur de l’éloignement géographique de la direction départementale. Le nouveau directeur général doit veiller dans ces cas spécifiques à mettre en œuvre des mesures d’application particulières, y compris si ce sont des changements par rapport à ce qui a été annoncé .

Je veux aussi que se développent de nouvelles formes de reconnaissance pour les agents. Et d’abord une mobilité individuelle entre les directions.

C’est un atout de pouvoir changer de métier afin de diversifier et d’enrichir son expérience professionnelle. Or, cette mobilité à la demande de l’agent est entravée au ministère par le cloisonnement juridique entre les directions. On se prive ainsi d’une mobilité professionnelle – ou géographique – parce qu’il est très compliqué, c’est un euphémisme, de passer d’une direction à une autre. Et c’est bien dommage car la mobilité interne au ministère est bonne pour l’agent comme elle est bonne pour le service. Quand on épouse la carrière de serviteur de l’État, on en épouse les avantages, pas seulement les inconvénients. Parmi les avantages, il y a la diversité des métiers qu’offre l’État.

Je souhaite que l’on discute rapidement du dispositif suivant : avant que les directions n’arrêtent leur volume de recrutements, elles offriront une partie significative de leurs postes disponibles à des agents d’autres directions qui souhaitent bouger et qu’elles accueilleront en détachement.

Vous noterez que cela ne perturbera en rien les mécanismes actuels puisque cette opération sera organisée après la fin des mouvements internes de mutation de chaque direction.

Les modalités devront être discutées afin que cela soit mis en œuvre dès l’année prochaine. Grâce à cette réforme, les agents du ministère pourront élargir considérablement leur horizon professionnel. Ils bénéficieront évidemment de toute la formation nécessaire.

Deuxième forme de reconnaissance : la promotion interne

Je demande aux agents d’être performants car j’ai confiance dans leurs capacités. C’est un point acquis. Je souhaite parallèlement qu’ils soient les bénéficiaires de cette performance. Et cela collectivement autant qu’individuellement.

Comme je l’ai dit tout à l’heure, il est naturel que la recherche de la performance, l’acceptation du changement, la volonté d’amélioration soient récompensées. Dans le changement, il ne doit y avoir que des gagnants. Il est demandé aux agents de faire des efforts de productivité, ils doivent retrouver le bénéfice d’une partie des gains réalisés.

Le niveau de qualification est ici déterminant car il est un facteur d’efficacité individuelle et collective et donc de performance. Or, ce niveau est en progression constante au ministère. Les agents ont un niveau de recrutement plus élevé, sont mieux formés, exercent des tâches de plus en plus diversifiées et délicates. Cela doit se traduire dans le pyramidage des emplois et dans le volume des promotions internes.

Je propose donc un plan pluriannuel de promotions internes traduisant la compétence professionnelle croissante des agents du ministère.

Il va y avoir un plan 2004. Et il faut évidemment que ce plan soit prolongé les années suivantes, car ces changements s’inscrivent nécessairement dans la durée. Il est d’ailleurs nécessaire que ces plans successifs soient reliés à la réflexion que nous allons mener sur la gestion prévisionnelle des emplois et des métiers. Ces plans en seront, en quelque sorte, la traduction.

Je souhaite que ces plans s’inscrivent dans une double perspective : d’une part améliorer la fluidité et le rythme des carrières, d’autre part faire évoluer vers le haut notre pyramide des emplois.

Pour les promotions intracatégorielles, fixons-nous donc un objectif de rythme d’avancement et de fluidité du déroulement de carrière. Ce que les agents attendent, c’est de savoir à quelle vitesse se déroule leur carrière et quand ils peuvent bénéficier d’une promotion.

Vous m’avez indiqué qu’il y avait des blocages pour l’accès au nouvel espace indiciaire (NEI) ainsi qu’au troisième niveau de la catégorie B. Pour améliorer la situation je vous propose donc de majorer dès cette année le précédent volume de promotions de 15 % pour le NEI et de 20 % pour le B 3e niveau, cela afin d’accélérer les promotions.

Pour les changements de catégories – de C en B et de B en A – c’est notre pyramide fonctionnelle et budgétaire qu’il faut faire évoluer. Nos tâches sont de plus en plus délicates, les réglementations sont plus complexes, les usagers plus exigeants, et les agents sont de plus en plus qualifiés. Or, un grand nombre de nos emplois sont encore en catégorie C. Il faut faire évoluer cela pour que la pyramide fonctionnelle et budgétaire reflète l’élévation des responsabilités et des qualifications.

Fixons-nous ensemble un objectif ambitieux : il y a quelques années, les emplois de B et de A ne représentaient qu’un peu plus de la moitié du total. Il faudrait que dans 5 ans, ils se rapprochent de près de 60 % de l’ensemble. Pour cela, je majore dès cette année le précédent volume de promotions de 25 % pour le C en B et de 15 % pour le B en A. Grâce à ces deux mesures, le volume normal de promotions est en fait multiplié par deux.

Par ailleurs, je souhaite – et c’est un souhait très fort – que cette requalification des postes bénéficie très largement à la promotion interne. La possibilité de gravir les échelons et d’avoir des chances successives dans sa vie professionnelle constitue un grand atout du statut des fonctionnaires. Il faut l’entretenir soigneusement et garantir à toutes et à tous que l’ascenseur social continue de fonctionner. Utilisons donc au maximum toutes les formes de concours internes et de liste d’aptitude.

Dans le cadre de cette promotion interne, renforçons le caractère social de ces promotions lorsqu’il y a changement de catégorie. En effet, notre système de promotion interne n’est pas si équitable que cela. Vous savez par exemple que les femmes qui représentent plus des 2/3 de la catégorie C se présentent dans une proportion beaucoup plus faible à la promotion interne en B. Pourquoi cette autocensure ? Parce que les concours internes sont très académiques et qu’il faut donc arbitrer entre famille et bachotage pour les réussir ; parce qu’il faut ensuite déménager après la réussite au concours et que le prix à payer est parfois jugé excessif.

Il faut ramener de l’équité dans tout cela. Voilà comment je vous propose de procéder dès l’année prochaine : d’abord, le nombre de postes offerts aux promotions par liste d’aptitude sera beaucoup augmenté : la liste d’aptitude est une reconnaissance pragmatique de la compétence. Ensuite on va passer au peigne fin les épreuves des concours internes pour que la réussite repose davantage sur le savoir-faire professionnel acquis sur le lieu de travail ; enfin les promus de C en B (par liste d’aptitude ou par concours interne spécial, voire par concours interne dans certaines directions) et les promus de B en A par liste d’aptitude pourront exercer leurs nouvelles responsabilités sans mobilité géographique importante. C’est quelque chose d’absolument décisif pour les relations sociales dans l’administration.

La promotion interne est une des grandes forces de l’administration. Elle doit réellement être ouverte à tous et à toutes.

La reconnaissance, c’est aussi la rétribution de la performance collective. Ce qui compte pour améliorer les résultats, c’est l’efficacité de l’unité de travail dans son ensemble. Ce qu’il faut obtenir, en cas de modification importante de l’organisation administrative, c’est l’adhésion au changement de l’ensemble de l’équipe qui réalise cet effort d’adaptation.

Pour cela une prime collective de performance sera instaurée au Minéfi. Elle récompensera, de façon égalitaire – 400 euros par an et par agent – tous les membres d’une entité de travail ayant obtenu d’excellents résultats ou s’étant illustrés par une réorganisation en profondeur. Le dispositif doit fonctionner dès l’année prochaine car les agents ont obtenu des résultats et opéré des changements cette année. Par définition, cette prime sera sélective, mais elle bénéficiera à 15 % des effectifs réels du ministère. Les critères d’attribution feront évidemment l’objet d’un dialogue approfondi avec vous.

Voilà, Mesdames et Messieurs, ce que je voulais vous dire. Vous l’avez compris, nous avons une ambition forte pour ce ministère et ses agents. Tout simplement parce que sa mission est au premier plan des préoccupations des Français. Mais aussi parce que nous connaissons les capacités de Bercy. Nous devons travailler tous dans le même sens, pour la croissance, pour l’emploi. Je vous demande de mettre au service de cette cause les immenses capacités de ce ministère, et de considérer que chacun y a une part, avec les difficultés qui en découlent, mais aussi les satisfactions. « Bercy, ensemble », c’est tout cela à la fois.

Je vous remercie.