Débat sur l’énergie


Intervention de M. Nicolas Sarkozy, ministre d’État, ministre de l’Économie, des finances et de l’industrie

Débat sur l’énergie – Jeudi 15 avril 2004 – Assemblée nationale

L’énergie est un sujet qui devrait concerner tous les Français : sans elle, pas de production de richesse, pas de confort, pas de progrès économique. Sans elle, plus rien n’existerait de cette vie quotidienne à laquelle nous sommes habitués au point de ne plus nous étonner de rien.

La question de l’énergie est très loin d’être seulement technique. Il s’agit d’un véritable débat de société. Songeons un instant, à cette réalité paradoxale et choquante : près d’un quart des hommes et des femmes dans le monde n’ont pas accès à l’électricité. Et pourtant, pour les autres, dont nous faisons partie, habitants des pays développés, l’énergie apparaît comme un dû : j’en veux pour preuve qu’avant le débat national organisé par le gouvernement au cours de l’année passée, 70% des Français interrogés disaient ne pas connaître le sujet de l’énergie.

Et de fait si les Français ne participent pas à ce débat, c’est parce que, pour la plupart d’entre nous, l’énergie n’est pas un sujet de préoccupation : l’électricité est là, à portée de main, elle permet tous les progrès. Alors pourquoi s’en soucier ?

D’autant plus que les termes du débat paraissent très techniques : sécurité nucléaire, énergies renouvelables, ouverture des marchés européens …autant de discussions de spécialistes.

Et pourtant derrière tout cela se situent des enjeux qui n’appartiennent pas aux seuls spécialistes. L’énergie, ce sont des choix qui concernent tout le monde, et qui doivent donc être compris.

Comment s’étonner de ce que les français ne s’intéressent pas à un sujet qui reste si complexe, alors même qu’il est essentiel ? Comment s’en étonner si nous n’affirmons pas une forte volonté politique ? Pour la plupart des Français, le débat reste encore trop restreint au seul choix du nucléaire, avec des arguments souvent plus idéologiques que pragmatiques.

Quant à la question des économies d’énergie : nombreux sont ceux qui se demandent si c’est encore utile aujourd’hui ? Sans parler de la nécessité de recourir aux énergies renouvelables : utopie ou véritable opportunité, se demande-t-on ? Un exemple : les éoliennes. L’opinion pensait que c’était écologique ; et puis, on a vu des associations de protection de l’environnement se mobiliser contre nombre de projets d’implantation. Alors, beaucoup ne savent plus que penser, ne sont plus ni pour, ni contre. C’est l’exemple même de sujets publics non compris, qui finissent par détourner les citoyens de questions qui devraient les concerner au plus haut point. C’est le contraire de la démocratie.

Et pourtant ces enjeux, les Français doivent les comprendre, qu’ils les approuvent ou qu’ils les contestent. Car non seulement ils les concernent, dans leur mode de vie et leur environnement, mais ces décisions sur l’énergie dépendent aussi largement du comportement des Français eux-mêmes : dans quelle société veulent–ils vivre, comment vont-ils se chauffer, se déplacer, construire leurs maisons ? Nous devons d’abord expliquer que tout cela n’est pas indifférent, que l’énergie n’est pas infinie ni gratuite, et que la consommation augmente maintenant du fait du secteur tertiaire, de l’habitat et des transports, beaucoup plus que de l’industrie. Ce sont des débats dont les ressorts de base doivent être à la portée de tous. C’est pour toutes ces raisons que devant vous aujourd’hui, je souhaite présenter les priorités de notre politique de l’énergie de la manière la plus claire et la plus transparente possible. Ainsi nous commencerons devant la représentation nationale l’action pédagogique qui préparera nos grands choix stratégiques.

Je veux d’abord vous rappeler quelques faits

L’histoire de l’énergie en France est marquée par deux dates clés :

   - la première c’est 1946, c’est la décision prise par le Général de Gaulle de créer, à partir d’un secteur exsangue, deux entreprises nationales : EDF et Gaz de France, chargés d’accompagner le développement économique de notre pays.

Grâce à cette décision, nous disposons aujourd’hui de deux champions nationaux. Depuis, près de 60 ans ont passé, la France s’est ouverte sur l’Europe et l’Europe sur le monde .La question que nous devons nous poser est de savoir comment poursuivre l’œuvre du Général de Gaulle ? Comment donner à EDF et Gaz de France les moyens de devenir pour l’Europe ce qu’elles sont devenues pour la France ?

   - la seconde date marquante : c’est 1973, le premier choc pétrolier – la découverte brutale de notre dépendance à l’égard du pétrole et de son impact sur notre économie. C’est au moment de ce choc que se prennent deux décisions fondamentales :

La première c’est le lancement d’un programme nucléaire sans précédent dont résultent aujourd’hui trois avantages majeurs :

   o un taux d’indépendance énergétique de 50% à comparer par exemple à celui des Italiens (16 %) et alors que nous n’avons pas de pétrole ou de gaz comme les Anglais ou les Néerlandais, alors que nous n’exploitons plus de charbon comme les Allemands,    o une électricité compétitive : 10% moins chère que la moyenne européenne pour les ménages    o des émissions de CO2 réduites et inférieures de 40% et 35% à celles respectivement de l’Allemagne et de l’Angleterre.

La seconde c’est la mise en place d’une campagne d’économie d’énergie déterminée symbolisée par la chasse au gaspi. Un succès qui lui n’a malheureusement pas survécu au contre-choc pétrolier de 1986 qui a vu du fait d’une forte croissance de la production pétrolière les prix s’effondrer de 30 à 10 $. Les bonnes habitudes s’étant alors perdues, les économies d’énergie ont depuis lors stagné.

Nous sommes les héritiers de ces décisions, qui marquent encore notre politique.

Le parc nucléaire a toutefois vieilli. La première centrale – celle de Fessenheim – aura 30 ans en 2007. Dès lors, comment préparer la relève ? C’est une question fondamentale à laquelle nous ne pouvons pas nous dérober.

Quant aux économies d’énergie, que nous avons remisé avec une certaine imprudence, le simple bon sens nous indique qu’elles sont indispensables car il nous faudra bien partager demain avec le reste du Monde une énergie appelée à devenir rare. Comment relancer une grande politique dans ce domaine telle est également la question ?

Je souhaite maintenant décrire les contraintes qui pèsent sur nos choix.

La première n’est pas nouvelle c’est l’absence de pétrole et de gaz sur notre territoire. Ses conséquences sont néanmoins croissantes.

Quand on sait que la Chine est devenu le deuxième consommateur de pétrole au Monde avec un taux de croissance de 10%, quand on sait que la production de pétrole des pays de l’OCDE stagne, que l’OPEP détient 80% des réserves de pétrole et que la Russie sera le principal fournisseur de gaz de l’Europe dans 20 ans, il est clair que la sécurité d’approvisionnement doit rester un objectif central de notre politique.

La seconde contrainte, elle, est plus récente, c’est la question du réchauffement climatique

Quelle est la situation ? Le monde émet aujourd’hui presque 7 milliards de tonnes de carbone dans l’atmosphère. Ceci a entraîné un accroissement de la température de la planète de 0,6°C en un siècle. Et cela va continuer – entre 1,5 et 6°C d’ici 2100. Quelques degrés, c’est peu mais c’est hélas suffisant pour entraîner des conséquences majeures en termes de santé, de recrudescence des maladies tropicales, d’atteinte à l’environnement et enfin de multiplication de phénomènes météorologiques extrêmes. Il est ainsi à craindre que l’épisode de canicule que nous avons connu l’été dernier ne soit que le premier d’une longue série à venir.

Pour stabiliser la température de la planète, l’humanité ne devrait émettre que 3 milliards de tonnes de CO2 dans l’atmosphère – 2 fois moins qu’aujourd’hui. Et pour nous pays riches, cela veut dire diviser par quatre nos émissions, c’est-à-dire les réduire de 3% par an durant 50 ans.

Alors face à ces questions et devant ces contraintes, quelle politique nationale cohérente et ambitieuse engager.

Le Gouvernement souhaite engager quatre axes prioritaires.

Premièrement, il nous faut renouer avec le dynamisme de 1974 en matière de maîtrise de l’énergie

La France doit produire dans 10 ans 25 % de richesse en plus avec seulement 9% d’énergie en plus. Dans 30 ans il nous faudra produire deux fois plus de richesse avec la consommation d’énergie de 2015.

Pour y arriver, nous devrons mobiliser toutes les politiques publiques.

Je donnerai six exemples concrets :

- Nous travaillerons avec les constructeurs automobiles pour qu’ils affichent à côté des prix des voitures le coût annuel de leur consommation d’essence – Il nous faut en effet mieux informer les Français pour que ceux-ci puissent modifier leurs comportements et choisir en toutes connaissances de cause ;

- Nous abaisserons d’au moins 10% les seuils de la réglementation thermique (c’est-à-dire le degré d’isolation, la qualité du chauffage …) définie en 2000 pour les bâtiments neufs avec l’objectif de les diviser par trois à l’horizon 2050. Nous imposerons également à l’industrie du bâtiment quand elle rénove des logements anciens de respecter des normes d’efficacité énergétique aussi proche que possible de celles de 2000 pour le neuf. Ce secteur est en effet celui qui recèle les opportunités d’économie d’énergie les plus accessibles – nous devons les saisir.

- Dans les transports, nous poursuivrons nos efforts en matière de respect des limitations de vitesse. C’est essentiel pour réduire le nombre de morts de la route, mais aussi pour l’environnement ! Grâce à notre politique de sécurité routière, les consommations d’énergie des transports ont baissé pour la première fois depuis 1973 ! – 1,8% en 2003 contre +1.3 % sur 97 / 2002 !

- De même, dans la continuité de décisions du CIADT de décembre, nous continuerons d’affecter la majeure partie de nos ressources au développement des infrastructures ferroviaires, fluviales et maritimes ;

- Nous imposerons par la loi aux fournisseurs d’électricité, de gaz et de fioul domestique d’aider financièrement leurs clients à investir dans la maîtrise de l’énergie afin d’améliorer par exemple l’isolation de leur logement ou l’efficacité de leur chauffage.

- En tant que Ministre de Finances, je vous proposerai de faire évoluer la fiscalité énergétique d’ici la fin de l’année pour qu’elle prenne mieux en compte l’impact sur l’environnement des consommations d’énergie

Il nous faudra ensuite développer les énergies renouvelables

Ces énergies sont encore marginales – 6% de la consommation française – mais elles croissent rapidement en Europe et la France doit rester dans la compétition. C’est bien pour l’environnement, c’est bien pour l’emploi. C’est aussi une assurance pour demain si les prix du pétrole ou du gaz devaient flamber.

Je vous propose deux objectifs :

Le premier doit nous permettre d’accroître de 50% d’ici 2015 les énergies renouvelables qui produisent de la chaleur, c’est-à-dire le bois, les déchets et le solaire. C’est possible, ces énergies ont cru de 8% en 2003. Comment faire ? En améliorant avant la fin de l’année le système d’aides financières. En permettant par exemple aux collectivités locales de conditionner l’octroi d’un permis de construire à l’obligation de recourir en partie aux énergies renouvelables – comme c’est le cas aujourd’hui à Barcelone.

Le second doit nous permettre de porter la production d’électricité d’origine renouvelable de 15% à 21% d’ici 2010. La priorité dans ce domaine c’est l’éolien terrestre et off-shore et la préservation du potentiel hydraulique actuel. Les filières industrielles concernées ont besoin de visibilité pour se développer en France. Je m’engage à ce que le dispositif de soutien financier actuel ne soit pas modifié.

Enfin, le Gouvernement continuera d’encourager le développement de tous les biocarburants, comme il le fait actuellement à travers le mécanisme de défiscalisation mis en place dans la dernière loi de finances. La meilleure manière d’aider au développement de cette filière pourra bien sûr faire l’objet d’une discussion devant cette Assemblée.

Sur les énergies renouvelables, il faut toutefois avoir l’honnêteté de reconnaître que ces énergies, quelle que soit notre volonté politique, resteront un appoint aux énergies classiques et non un substitut, ce qui pose inévitablement la question du nucléaire.

Dans le domaine nucléaire, quelles sont nos certitudes, quelles sont nos interrogations ?

- la moitié de notre parc nucléaire aura en moyenne 30 ans en 2011. 30 ans c’était initialement la durée prévue d’une centrale. Heureusement, nous avons de bonnes raisons de penser que cette durée pourra être prolongée de 10 ans. Mais ce n’est pas certain – juste probable – En tout état de cause qui pourrait affirmer sérieusement que notre parc durera sans problème cinquante ans ?

- même avec la plus grande volonté possible en matière de maîtrise de l’énergie et le plus fort volontarisme en faveur du développement des énergies renouvelables, il est certain que nous aurons à choisir pour renouveler notre parc nucléaire entre le nucléaire, le gaz et le charbon – c’est-à-dire entre les risques associés au nucléaire et les émissions de gaz à effet de serre !

Il nous revient la responsabilité de mettre notre pays en capacité de lancer une nouvelle génération de centrales entre 2015 et 2020 en remplacement de l’actuelle. Au risque sinon de se retrouver dans une impasse, dans quelques années, dont nous serions responsables.

Pour cela, une seule technologie est actuellement disponible : c’est le réacteur européen à eau pressurisée : l’EPR (European Pressurized reactor). Ce réacteur est 10 fois plus sûr, 10% moins cher et produit 15 à 30% de déchets en moins. Son déploiement industriel est possible dès 2020 alors que de l’avis même des chercheurs sur ces sujets, les réacteurs – dit de quatrième génération – ne seront au mieux disponibles industriellement qu’à l’horizon 2045.

Vos collègues, les députés Christian Bataille et Claude Birraux n’ont d’ailleurs pas dit autre chose dans leur excellent rapport réalisé eu nom de l’Office des choix scientifiques et techniques en mai 2003.

C’est la raison pour laquelle le Gouvernement est en faveur de la construction prochaine d’un EPR.

Je veux préciser qu’il ne s’agit pas de signer un chèque en blanc à la filière nucléaire.

Le nucléaire a des incidences sur notre vie économique et peut en avoir sur notre vie quotidienne. Il doit donc impérativement accroître sa transparence et assumer un devoir d’information du public. C’est l’objectif de la loi sur l’information et la transparence nucléaire que le Sénat devra examiner avant l’été.

Je veux aussi préciser que le nucléaire n’a pas non plus vocation à produire toute notre électricité et que la France devra également veiller à garder un parc de production thermique, c’est-à-dire utilisant le gaz, le charbon ou le fioul, suffisant et de qualité.

Développer la recherche dans le domaine de l’énergie Enfin dernière axe de notre politique : la recherche. Nous ne vaincrons pas le réchauffement climatique sans véritables ruptures avec nos mauvaises habitudes mais également sans de nouvelles technologies. Les nouvelles technologies de l’énergie doivent devenir une des priorités de la recherche.

Je proposerai que soit élaboré un programme d’actions précis et qu’y soient alloués les moyens financiers nécessaires pour préparer l’avenir.

Un avenir où l’on devra savoir capturer et stocker par exemple dans des champs de gaz le CO2 émis dans l’atmosphère, un avenir où l’on saura faire fonctionner nos véhicules avec des biocarburants, de l’hydrogène et des piles à combustibles, où l’on saura – pourquoi pas – s’éclairer avec le photovoltaïque et consommer de l’électricité et du gaz sans les gaspiller. En résumé, – relancer la maîtrise de l’énergie – développer les ENR – construire l’EPR – relancer la recherche.

Voila ce qui pourrait être une politique énergétique ambitieuse et cohérente. Ces décisions dépendent de nous mais nous ne pouvons travailler seuls.

Le nouveau cadre de notre politique doit être l’Europe

Le temps où la France pouvait définir sa politique énergétique sans tenir compte de celles de ses voisins est révolu. Il nous faut ouvrir les yeux. L’Europe de l’énergie doit devenir une réalité.

Cela nous permettra de faire gagner nos entreprises pour qu’elles portent notre modèle en Europe et non pas qu’elles défendent leur pré carré. L’histoire a montré qu’aucune ligne Maginot ne saurait tenir. Cela nous permettra de redevenir une force de propositions au service de l’indépendance énergétique de l’Europe.

1) Il faut d’abord concevoir un véritable projet industriel d’EDF et de Gaz de France pour qu’elles puissent conquérir les marchés Européens.

EDF et Gaz de France sont des réussites. On le doit en premier lieu aux 140 000 hommes et femmes de ces deux entreprises, à leur savoir-faire, à leur dévouement et à leurs attachements à leurs entreprises que je voudrais ici saluer. Mais les termes de leur situation sont là : Fragilité d’un côté, concurrence exacerbée de l’autre

Ces entreprises sont devenues fragiles à plusieurs égards

- leur principe de spécialité lié à leur statut d’établissement public industriel et commercial les empêche de développer les activités de service en France, à la différence de la concurrence européenne, qui pourra vendre demain chez nous du gaz, de l’électricité, qui pourra réparer les chaudières et ne s’en privera pas ;

- leur statut d’établissement public est également dans la majorité des pays européens un facteur de suspicion et est parfois même, comme en Italie ou en Espagne, à l’origine de l’adoption de lois qui entravent fortement leur développement voire interdit leur implantation

- EDF comme Gaz de France sont face à des difficultés : EDF est trop endettée et doit renforcer ses fonds propres. Gaz de France est encore trop centré sur la France et doit se développer.

- La concurrence arrive sur le marché Français. Dans 10 semaines, le 1er juillet 2004, le marché de l’électricité et du gaz sera ouvert à 70% – plus de 3 millions de clients. Ce n’est pas une décision de Gouvernement. C’est la conséquence d’une mesure européenne acceptée par nos prédécesseurs. Alors on peut toujours dire avec inconséquence ou mauvaise foi, qu’on n’a qu’à ne pas l’appliquer ou que l’on souhaite revenir en arrière mais il y a bien un moment où il faut regarder les choses en face et agir.

Agir, cela veut dire donner à EDF et Gaz de France les moyens juridiques et financiers de devenir des champions européens :

- en leur donnant une nouvelle forme juridique : celle de sociétés ; – en leur permettant demain d’augmenter leurs ressources et donc leur capital.

C’est indispensable pour que ces entreprises puissent investir en Europe mais aussi en France, dans l’EPR par exemple, ou pour desservir en gaz un million de Français supplémentaires

Dire cela c’est décrire une réalité. Mais il en est une autre que je veux dire avec force c’est qu’EDF et Gaz de France ne sont pas et ne seront jamais des entreprises tout à fait comme les autres : du fait du nucléaire, du fait de leur importance pour l’indépendance nationale, de notre conception du service public de l’électricité et du gaz.

Tout ceci explique l’engagement solennel du Gouvernement qu’EDF et Gaz de France ne seront pas privatisés.

- Cet engagement signifie que l’Etat restera largement majoritaire dans leur capital et qu’il continuera d’assumer son rôle de direction ; – cela veut dire que ces entreprises resteront publiques et continueront de défendre les valeurs auxquelles elles sont attachées : le service public, la proximité, l’égalité des Français devant l’énergie et la solidarité avec les plus démunis.

C’est en effet en ayant des entreprises fortes que l’on a un service public fort. Je veux le dire ici solennellement : Notre majorité est profondément attaché au service public. Elle l’a démontré lors de la négociation des directives sur l’ouverture des marchés à la concurrence et lors de l’adoption relative au service public et aux marchés de l’énergie du 3 janvier 2003. Elle continuera à le faire et je serai bien sûr prêt à accueillir favorablement toutes les initiatives qui iront dans ce sens. Quant aux agents d’EDF et de Gaz de France : – leur statut ne sera pas modifié – la garantie de l’emploi dont ils disposent ne sera pas touchée ; – leurs prestations sociales ne seront pas modifiées ; – leur régime de retraite restera toujours un régime spécial même si son mode de financement sera modifié pour en garantir la pérennité, puisque la garantie de l’Etat ne pourra plus être conservée du fait des règles européennes.

C’est aussi en ayant des entreprises fortes que l’on pérennise l’emploi.

Nous devons nous adapter à l’Europe, mais nous devons aussi redevenir une force de proposition en Europe

Notre sort énergétique est indissociablement lié à celui de nos voisins. Nous avons besoin d’un pacte énergétique. Et qu’on ne nous dise pas au niveau européen que la libéralisation des marchés suffit. Elle est nécessaire mais elle n’est qu’un moyen au service d’une politique énergétique qui devra un jour devenir commune.

La France entend contribuer à la définition de ce pacte :

- en proposant à nos partenaires d’adopter des règles pour encadrer le fonctionnement du marché ; – en ouvrant le débat sur la convergence progressive de nos politiques énergétiques vers un modèle commun.

Les règles communes

Partager un marché unique, c’est bien sûr bénéficier d’un marché plus efficace, profiter d’une solidarité accrue, mais c’est aussi minimiser ensemble les risques : le risque qu’une coupure généralisée n’affecte une partie de l’Europe, le risque qu’une politique insuffisamment prévoyante dans un pays en matière de production ne se traduise par des hausses de prix chez ses voisins.

Nous ne voulons pas faire en Europe ce qu’a fait la Californie, il nous faut collectivement maîtriser ces risques et pour cela l’Europe doit :

- s’assurer que son parc de production électrique est suffisant et pour cela que chaque pays dispose d’un niveau minimum de production par rapport à sa consommation – tout ne peut pas reposer sur les exportations : le black out italien de l’été dernier est là pour nous le rappeler ; – permettre à nos entreprises gazières de conserver des contrats d’approvisionnement à long terme avec les pays producteurs pour les inciter à investir dans les réseaux dont nous aurons besoin demain ; – trouver les moyens de préserver, en leur assurant un bas prix de l’électricité, la compétitivité de nos industries fortement consommatrices d’électricité – je pense à la sidérurgie, à l’industrie du verre, à la chimie … – alors que la tendance est plutôt orientée à la hausse notamment du fait de la prise en compte croissante des impératifs environnementaux ;

2 – Faire converger progressivement nos politiques énergétiques vers un modèle commun

Ces règles ne sont toutefois qu’une première étape. On ne peut partager à long terme un même marché sans se mettre d’accord sur un minimum : par exemple la manière de produire l’électricité ou de diminuer les gaz à effet de serre et sans agir en commun pour, par exemple, supprimer du marché les voitures trop polluantes ou les lampes haute-consommation.

Je crois que l’Europe doit en la matière assumer trois priorités :

L’Europe doit d’abord aller plus loin dans la relance de la maîtrise de l’énergie

Elle a déjà fait des efforts importants mais ils ne sont pas suffisants. La France participera activement à la négociation des directives en cours notamment celles sur la conception écologique des produits et la promotion de l’efficacité énergétique et des services, afin de rendre ces textes aussi ambitieux et utiles que possible.

Chaque pays doit engager sérieusement le débat sur l’énergie nucléaire

Cette énergie qui permet aujourd’hui de produire 34% de l’électricité européenne évite en effet un accroissement de nos émissions de gaz à effet de serre quasiment équivalent à l’ensemble du parc automobile européen. C’est dire l’importance du nucléaire dans la lutte contre l’effet de serre et l’importance de la marge de réduction – 30% – dont disposerait l’Europe si elle décidait d’utiliser le nucléaire comme le fait la France.

L’Europe doit se doter d’une véritable diplomatie énergétique

La sécurité d’approvisionnement de notre Europe dépend évidemment de la qualité du dialogue qu’elle saura instaurer avec les pays producteurs mais aussi avec les pays en développement pour leur permettre d’améliorer leur efficacité énergétique. L’Europe en fédérant les intérêts nationaux a assurément, aux côtés de chaque pays une forte place à jouer dans ce domaine. Elle ne joue pas aujourd’hui ce rôle.

Qu’il s’agisse du dialogue avec les pays producteurs de pétrole où il importe que l’Europe fasse prévaloir le thème de la stabilité des prix du pétrole à un niveau raisonnable et qui ne mette pas en danger le retour de la croissance au niveau mondial.

Qu’il s’agisse du dialogue particulier que nous devons entretenir avec la Russie compte tenu de la croissance prévisible de nos importations de gaz en provenance de ce pays.

Ou qu’il s’agisse enfin de la coopération énergétique à établir avec les pays en développement.

La France a la chance exceptionnelle en matière d’énergie d’être en avance par rapport à ses concurrents, sur le plan de la technologie, de l’effet de serre, de la compétitivité, de la protection du consommateur y compris le plus démuni ou le plus éloigné des centres de production – ce qu’on appelle chez nous le service public.

Nous n’avons pas le droit de gâcher par l’immobilisme ce que nos prédécesseurs nous ont légué. Il en va de notre responsabilité devant l’Histoire. Les hommes politiques de 1946 et de 1970 ont su l’assumer – nous devons en 2004 nous montrer à la hauteur des ambitions qu’ils avaient pour la France.

C’est pourquoi le Gouvernement proposera au Parlement d’adopter avant l’été :

- une loi d’orientations sur les énergies ; – puis une loi relative à la nouvelle organisation juridique d’EDF et de gaz de France.

C’est pourquoi le Gouvernement adressera prochainement à ses collègues européens un mémorandum sur la politique énergétique pour notre continent.

Je vous remercie